Analyse transactionnelle(AT)
1. C’est quoi l’AT ??
“Ce qui se passe dans l’intervalle, entre bonjour et
au revoir, relève d’une théorie spécifique de la personnalité et de la
dynamique de groupe, qui est aussi une méthode thérapeutique, connue sous le
nom d’analyse transactionnelle”. (Eric Berne - Que dites-vous après avoir dit
Bonjour ?)
L’analyse transactionnelle est une théorie élaborée
dans les années 1950 par Eric Berne. Depuis plus de 50 ans, elle n’a cessé d’être
validée, complétée et enrichie par de grands professionnels de nombreux pays
(notamment Amérique du Nord, Grande-Bretagne, Italie, Belgique et France). Bien
qu’elle ait été créée par un médecin psychiatre qui souhaitait mettre en place
une nouvelle approche psychothérapeutique, il est rapidement apparu que son
champ d’application n’était pas réductible au champ de la psychothérapie. Sa
pertinence, son originalité, son accessibilité en font aujourd’hui l’une
des théories les plus appréciées et appliquées dans l’ensemble des métiers de
la relation d’aide. Elle peut être utilement couplée à d’autres approches comme
la systémique de l’Ecole de Palo Alto, la Process Com ou la Gestalt.
L’analyse transactionnelle a été pensée sur la base
des principes suivants, auxquels elle s’attache à rester fidèle au fil de son
évolution :
- elle
adhère au courant humaniste qui
postule la nature fondamentalement positive de l’être humain, sa capacité
à faire des choix et à les assumer,
- à ce
titre, attachée à la vulgarisation des savoirs, elle utilise un langage
simple et accessible,
- le
cadre de sa pratique est contractuel, c’est-à-dire que le lien entre
l’accompagnant et l’accompagné est basé sur la libre négociation et
acceptation d’un contrat préalable, clair et exhaustif qui responsabilise
chacun quant au travail à mener et aux objectifs à atteindre.
L’analyse transactionnelle est une théorie à plusieurs
niveaux :
Une théorie de la communication
“Entre bonjour et au revoir”… Nous passons beaucoup de notre
temps en interaction avec les autres ; tout ce temps est communication, qu’il
s’agisse de messages verbaux ou non verbaux. Ainsi, pour donner, demander,
refuser ou accepter “quelque chose“, nous devons entrer en contact les
uns avec les autres. Comment se passe la relation ? Est-elle agréable ou non,
efficace ou improductive ? Suis-je entendu ou non ou mal ? Semble-t-il y avoir
un message caché derrière un message apparent ? Dans quelles mesures la
réaction de mon interlocuteur dépend-elle de ma façon de m’adresser à lui ?
En étant attentif aux mots prononcés, à la manière
dont ils sont dits (le ton, le volume de la voix), aux postures corporelles et
au cadre dans lequel la relation s’insère, l’analyse transactionnelle a
vocation à aider à la compréhension - et, si besoin, à l’amélioration - de la
communication entre deux ou plusieurs personnes.
(Voir les concepts : besoins de base, signes de
reconnaissance, États du moi, transactions, structuration du temps, jeux,
positions de vie, passivité)
Une théorie du développement
L’une des grandes forces de l’analyse transactionnelle
est de proposer, à côté d’une théorie de la communication interpersonnelle, une
théorie de ce que l’on appelle l’intrapsychique. Le postulat est le suivant :
ce que j’exprime à l’extérieur de moi trouve une origine à l’intérieur de moi.
Ainsi, si l’aspect communication de la théorie tend à
répondre à la question : que se dit-il ? - cette partie s’intéresse à :
pourquoi est-ce dit ? Et pourquoi de cette façon ?
Il s’agit ici d’une élaboration complète de la
structure de la personnalité, originale et indépendante d’autres théories.
Cette élaboration présente une théorie sur la façon dont l’enfant se construit,
se développe, face au monde qui l’entoure en prenant des décisions adéquates.
Elle affirme également que certaines de ces décisions, maintenues en l’état à
l’âge adulte, peuvent être cause de souffrances.
(Voir les concepts : besoins de base, signes de
reconnaissance, États du moi, scénario, jeux, symbiose, positions de vie,
méconnaissances, passivité, autonomie)
Une théorie de la structure et de la dynamique des
groupes et des organisations
Comprendre la personne, la relation… mais également
les groupes. Eric Berne a réfléchi à la manière dont les individus s’organisent
ensemble, comment ils vivent en groupe pour atteindre un résultat. Eric Berne
propose une grille de lecture qui permet d’analyser la structure d’une
organisation, son fonctionnement, sa dynamique. Cette application de l’analyse
transactionnelle est particulièrement efficace pour l’intervention en
entreprise (consultants, formateurs, coachs).
(Voir les concepts : besoins de base, signes de
reconnaissance, États du moi, transactions, jeux, théorie organisationnelle de
Berne - à venir sur ce site)
Source http://www.analysetransactionnelle.fr/?page_id=65
(version du 13 décembre 2011)
2. L’AT, pour quoi faire ?
L’AT a vocation à s’appliquer à tout ce qui concerne
de près ou de loin la relation à soi et/ou à l’autre.
Dans le domaine professionnel, on sait depuis quelque
temps déjà que l’exercice d’un métier n’est pas seulement la mise en œuvre d’un
savoir-faire technique mais implique également une compétence relationnelle
; on commence seulement aujourd’hui à le prendre en compte. Tout comme dans le
domaine personnel : mieux se connaître, savoir choisir son environnement
relationnel, apprendre à poser et penser une situation difficile, sont des
atouts précieux.
Dans le cadre professionnel, un professeur peut ainsi
dispenser son cours que les élèves écoutent ou non, un infirmier ou un médecin
considérer son patient comme une “chose à réparer” et le traiter comme
tel, un surveillant de prison se contenter d’ouvrir et de fermer la
cellule, un industriel de produire des voitures dans des conditions telles que
ses salariés se suicident… Ou bien, le professeur peut se souvenir que
l’objectif n’est pas de débiter son texte mais qu’il soit enseigné, le soignant
considérer son patient - ou la personne âgée - comme une personne qui peut
avoir peur et a besoin d’informations, le surveillant peut dire bonjour à un détenu,
l’industriel s’interroger sur les besoins de son personnel…
Ces questions sont essentiellement (re)connues à
travers quelques “pathologies” sociales graves comme la maltraitance
ou le harcèlement moral, etc. Il est cependant indispensable et incontournable
que nous agissions sans attendre la pathologie. Il est urgent que nous
préservions la Ressource Humaine. Il est temps que nous prenions soin de
nous.
S’intéresser à la relation c’est donner toute sa place
à la personne, quel que soit le contexte. L’AT distingue quatre domaines
différents d’exercice - et d’apprentissage -, appelés champs de spécialisation:
Champ Conseil (C) :
Egalement appelé Guidance, et désigné en abrégé par la
lettre C. Il s’agit ici d’utiliser l’AT dans le domaine social, du bénévolat
associatif ou de la prévention ; le médecin, l’infirmier(ère),
l’aide-soignant(e) dans sa relation au malade ou à la personne âgée, les
travailleurs sociaux ou les auxiliaires de justice éprouvant des difficultés
dans leur travail quotidien…
Champ Éducation (E) :
Désigné par la lettre E. L’AT est un outil qui permet
à l’éducateur, quel qu’il soit, de comprendre et d’améliorer la relation à un
élève, un étudiant, un adulte en formation ou un jeune en situation d’échec
scolaire, par exemple. Elle permet d’intégrer la transmission d’un savoir et
d’un apprentissage dans un cadre éducatif plus large qui contribue au
développement personnel et professionnel de l’élève.
Champ Organisation (O) :
Désigné par la lettre O. L’AT permet d’intervenir au
sein d’une structure (entreprises privées ou publiques, collectivités locales,
associations…) à deux niveaux : la personne ou l’organisation elle-même. C’est
un outil privilégié pour de nombreux consultants, coachs et formateurs en
entreprise. Les possibilités d’application sont vastes : redonner à l’Humain
toute sa place au sein d’une structure, allier les besoins de la personne à
ceux du groupe, optimiser la relation entre collègues ou dans le cadre d’une
hiérarchie …
Champ Psychothérapie (P) :
Désigné par la lettre P. L’AT est ici mise au service
d’un travail thérapeutique pour résoudre un problème, savoir qui l’on est,
mieux comprendre la relation à son conjoint, ses enfants ou ses parents. Le
psychothérapeute se réfère ici à la vision de la personnalité que propose l’AT
et l’utilise dans sa propre communication avec son patient. En début de
thérapie, le patient et son thérapeute définissent ensemble un contrat
thérapeutique en fonction des objectifs et besoins du patient, la durée du
travail thérapeutique peut être en conséquence brève ou longue.
Un intervenant est formé à l’utilisation de l’AT dans
un champ de spécialisation précis et ne peut travailler avec l’AT que dans
celui-ci (à moins qu’il n’ait suivi une formation dans deux champs différents).
Par exemple, un analyste transactionnel certifié dans le champ Organisation
n’est pas habilité à intervenir dans le champ Conseil, Éducation ou
Psychothérapie. La pratique de l’AT exige le respect d’une déontologie stricte
et d’un suivi rigoureux sur deux points : une formation avancée et une supervision continue.
Source : http://www.analysetransactionnelle.fr/?page_id=101
(version du 13 Décembre 2011)
3. Eric Berne
“Allez mieux d’abord, on analysera ensuite si vous le
voulez ” (Eric Berne - Que dites-vous après avoir dit Bonjour ?)
Eric Berne (1910-1970), médecin psychiatre américain,
est le fondateur de l’Analyse Transactionnelle.
Eric Berne
est né à Montréal le 10 mai 1910 d’un père, David, médecin généraliste et d’une
mère, Sarah, écrivain et éditeur. Sa famille est originaire de Pologne et de
Russie. Il a une sœur cadette, Grace.
Son père meurt de tuberculose à l’âge de 38 ans, alors
qu’Eric n’en a que 9. C’est une épreuve très difficile pour lui. Lorsque vient
le choix des études pour Eric sa mère l’encourage à faire médecine : il devient
docteur en médecine en 1935, à 25 ans. Il fait son internat en psychiatrie à la
faculté de médecine de l’université de Yale.
En 1938/1939, Eric obtient la nationalité américaine
et change son nom, initialement Eric Lennard Bernstein. Il se marie en 1940
avec Elinor avec qui il aura deux enfants, Ellen et Peter, avant de s’en
séparer après la guerre.
En 1941, il commence sa formation de psychanalyste et
suit une analyse pendant deux ans avec Paul Federn, analyse qu’il poursuivra
après la guerre en 1947 avec Erik Erikson. De 1943 à 1946, il est engagé comme
psychanalyste dans le corps médical de l’armée des États-Unis : il y dirige des
thérapies de groupe. Lors de ces premières années de pratique, il est frappé par
la force et la pertinence d’un élément jusqu’alors négligé : l’intuition. Il
rédige un premier article, La Nature de l’Intuition, sur lequel il fera
une communication au Congrès annuel commun des Sociétés de Psychanalyse de San
Francisco et de Los Angeles en 1947.
Il emménage définitivement à Carmel, près de San
Francisco, en 1946, seul d’abord puis avec sa seconde épouse Dorothy. Ils
auront ensemble deux enfants, Ricky et Terry. Ils divorceront en 1964.
En 1948, il entreprend un tour du monde à visée autant
professionnelle que privée puisqu’il visite dès qu’il le peut un hôpital
psychiatrique pour enrichir sa connaissance globale de la santé mentale.
À partir de 1950, en marge de ses activités de
psychiatre, Eric Berne met en place des séminaires avec des cliniciens destinés
à réfléchir et à valider ces nouvelles perspectives qui sont, sur certains
points, critiques à l’égard de la psychanalyse. Il poursuit néanmoins en
parallèle sa formation de psychanalyste et postule à ce titre en 1956 : il est
refusé. L’échec de ce projet sur lequel il travaille depuis dix ans est une
immense déception. Il sera pourtant fondateur : à partir de cet instant Eric
Berne décide de rompre définitivement avec la psychanalyse et de fonder une
nouvelle approche de la psychothérapie.
Dès 1956-57, s’appuyant sur l’expérience de ses
séminaires, Eric Berne publie alors une série d’articles dont l’un porte d’ores
et déjà le titre : “Analyse Transactionnelle : une nouvelle méthode efficace
de thérapie de groupe”. Les concepts d’états du moi, de jeux psychologiques
et de scénario sont déjà mis à jour ! L’œuvre est sidérante : il crée quasiment
ex nihilo et en très peu de temps un nouvel outil totalement indépendant
de la psychanalyse (même si des éléments fondamentaux comme la notion d’inconscient
sont repris).
Avec un groupe de chercheurs issus de ses séminaires,
dont Claude Steiner, rencontré en 1958 et Stephen Karpman, psychologues
cliniciens et thérapeutes, il lance l’édition du Transactional Analysis
Bulletin (qui deviendra le Transactional Analysis Journal en 1971)
dont le premier numéro sort en 1962. En 1964, en réponse au nombre de
praticiens de l’AT hors Etats-Unis, ils fondent ensemble l’International
Transactional Analysis Association (ITAA).
Les années 1964-1970 furent des années de travail
intense. Eric Berne compose ses œuvres majeures, notamment Des Jeux et des
Hommes et Que dites-vous après avoir dit Bonjour ? Sur le plan
personnel, il divorce en 1970 de sa femme Torri épousée en 1967.
Il décède le 15 juillet 1970, à l’âge de 60 ans, d’un
arrêt cardiaque.
L’œuvre révolutionnaire d’Eric Berne est orientée vers
un seul objectif : “guérir” au plus vite, tel un médecin. Et pour cela,
construire une théorie avec des mots simples pour faciliter notamment la
relation thérapeute-client et permettre à celui-ci de s’approprier l’outil
thérapeutique au lieu d’en faire l’apanage du spécialiste.
(Sources : Eric Berne, esquisse biographique,
W. Cheney, Classiques AT, Editions AT, Vol. 1, p. 12-19 & Manuel
d’Analyse Transactionnelle, I. Stewart et V. Joines, InterEditions, 1991,
p. 341)
Bibliographie d’Eric Berne :
- The
Layman’s Guide to Psychiatry and Psychoanalysis (1957 - révision d’un premier
ouvrage The Mind in Action publié en 1947) : Psychiatrie et
psychanalyse à la portée de tous (Le Cercle du Nouveau Livre, 1971)
- Transactional
Analysis in Psychotherapy (1961) : Analyse Transactionnelle et
Psychothérapie (Payot, 1971)
- The
Structure and Dynamics of Organisations and Groups (1963) : Structure et
Dynamique des Organisations et des Groupes (Editions d’Analyse
Transactionnelle, 2005)
- Games
people play (1964)
: Des Jeux et des Hommes (Stock, 1984), best-seller vendus à cinq millions
d’exemplaires.
- Principles
of Group Treatment (1966) : Principes de Traitement
Psychothérapeutique en Groupe (Editions d’Analyse Transactionnelle, 2006)
- What Do You Say After You Say Hello ? (1970) : Que dites-vous après avoir dit
Bonjour ? (Tchou, 1972)
- Sex in
Human Loving (1970)
: Amour, sexe et relations (Editions d’Analyse Transactionnelle, 2010)
Deux autres ouvrages publiés à titre posthume sont des
compilations d’articles écrits par Eric Berne : Beyond Games and Scripts
(1976) et Intuition and Ego States, The Origins of TA (1977). Ajoutons
le dernier livre posthume d’Eric Berne, A Montreal Childhood, (Mon
enfance à Montréal) (2010), récit de son enfance mis en forme par son fils
Terry.
Eric Berne a également écrit un conte, The Happy
Valley (1968), La Vallée du Bonheur ( InterEditions, 1990) .
Au-delà de ces livres, pour une liste complète avec la
totalité de ses articles en anglais : cliquez ici
Deux biographies sont disponibles en anglais :
- Eric Berne, Master Gamesman, Elizabeth Watkins Jorgensen et Henry Irvin
Jorgensen, Grove Press, 1984.
- Eric Berne: Annotated Bibliography, Robert Cranmer, Transactional Analysis
Journal, 23-9, 1971.
Source
http://www.analysetransactionnelle.fr/?page_id=42
(Version du 13 décembre 2011)
4. Après E. Berne, les grandes avancées
En 1971, l’ITAA créé le Prix international Eric Berne
(Eric Berne Memorial Award) remis annuellement pour récompenser les
contributions majeures qui viennent enrichir l’analyse transactionnelle, sa
théorie ou sa pratique. Le prix Raymond Hostie, instauré en 1987 par les responsables
des AAT, a cette même vocation mais ne concerne que les pays francophones (R.
Hostie était de nationalité belge), avec une fréquence bisannuelle.
Au-delà du rappel des auteurs et des concepts
distingués, ce tableau témoigne de l’ampleur de la théorie de l’analyse
transactionnelle et à quel point celle-ci est une discipline vivante
aujourd’hui comme hier.
Prix Eric Berne
Année, Auteur, Concept, Références
1971 : Claude Steiner, Matrice de scénario, in Scénario
et Contre-scénario, CAT1
2, p. 10-12
1972 : Stephen Karpman, Triangle dramatique, in Contes
de fée et analyse dramatique du scénario, CAT 2, p. 68-72
1973 : Jack Dusay, Egogramme, in Les égogrammes et
l’hypothèse de la conservation de l’énergie psychique, CAT 1, p. 35-39
1974 : Aaron et Jacqui Schiff, Passivité et les quatre
types de méconnaissances, in Passivité, CAT 2, p. 139-146
1975 : Robert et Mary Goulding, Redécision et les
douze injonctions, in Messages inhibiteurs, décisions et redécisions,
CAT 2, p. 20-27
1976 : Patricia Crossman, Protection, in Permission
et protection, CAT 2, p. 81-83
1977 : Taibi Kahler, le Mini-scénario et les cinq
messages contraignants, in Le mini-scénario, CAT 2, p. 41-58
1978 : Fanita English, Sentiments parasites et
sentiments authentiques, in Les mécanismes de substitution des
sentiments-parasites aux sentiments réels, CAT 1, p. 166-171
1979 : Stephen Karpman, les Options, in Les options
: la gamme des 24 réponses possibles, CAT 2, p. 194-201
1980 (deux Prix) : Claude Steiner, l’ Economie des
signes de reconnaissance, in L’économie des caresses, CAT 1, p. 94-99 /
Ken Mellor et Eric Sigmund, Méconnaissances et redéfinitions, in Méconnaissances,
CAT 2, p. 151-157
1981 : Franklin Ernst, l’ Enclos OK, in L’enclos
OK, une grille poux aller de l’avant avec l’autre, CAT 1, p. 133-142
1982 : Richard Erskine et Marylin Zalcman, le Circuit
parasitaire (système racket) et analyse du racket, in Le circuit des
sentiments parasites, CAT 1, p. 185-193
1983 : Muriel James, l’Auto-parentage, in L’autoparentage
- théorie et processus, CAT 4, p. 122-128
1984 : Pamela Levin, le cycle de développement, in Le
cycle de la croissance, AAT2
n°49, p. 27-38
1987 : Carlo Moiso, Etats du moi et transfert, in Etats
du moi et Transfert, AAT n°41, p. 23-30
Entre 1988 et 1993, il n’y a pas eu de remise de prix.
1994 (trois Prix) : Sharon Dashiell, applications
pratiques Psychothérapie avec l’état du moi Parent (1978), in La résolution
dans le Parent : reprogrammer les incorporations parentales, CAT 4, p.
83-88 / John McNeel, applications pratiques Psychothérapie avec l’état du moi
Parent, in L’interview du Parent, CAT 1, p. 56-63 / Vann Joines,
intégration de l’AT avec d’autres théorie et approches, in Thérapie
redécisionnelle et adaptation liée à la personnalité & Thérapie
redécisionnelle ; diagnostic et plan de traitement, AAT n°47 et 54
1995 (deux Prix) : Peggy Blackstone, intégration de
l’AT avec d’autres théorie et approches, in L’Enfant dynamique : intégration
de la structure du second ordre, des relations d’objet et de la psychologie du
Soi, AAT n°92, p. 125-142 / Jean Illsley Clarke, applications pratiques
l’A.T. appliquée à la relation Parent-Enfant, in L’estime de soi: une
question de famille, Leader guide, New York, Harper & Collins, 1981
1996 : Alan Jacobs, théorie A.T. et applications
sociales, in Les structures autocratiques : groupes, organisations, acteurs
& Théorie, idéologie et reparentage : le pouvoir autocratique, AAT n°
66 et 77
1997 : Fanita English, l’épiscénario, in L’épiscénario
et le jeu de la “pomme de terre brûlante’“, CAT 2, p. 36-40
1998 (deux prix) : Rebecca Trautmann et Richard
Erskine, comparaison et intégration avec d’autres approches, in Les méthodes
d’une psychothérapie intégrative, AAT n°90 / James et Barbara Allen, in Un
nouveau type d’AT : une version du travail sur le scénario à partir d’une
sensibilité constructiviste, AAT n°93
Entre 1998 et 2001, il n’y a pas eu de remise de prix.
2002 : Leonhard Schlegel, pour toute son oeuvre, in Qu’est-ce
que l’Analyse transactionnelle ?, AAT n°85
2003 : Michèle Novellino, in Communication
inconsciente et interprétation en AT, AAT n°74
2004 : Pearl Drego, in Changing
systems through correlations of injunction inventories, P. Lapworth, The
Maastricht Papers: Selections from the 20th EATA Conference p. 5-19
2005 : Graham Barnes, the
circularity of theory and psychopathology with specific identification in the
construction of schizophrenia, alcoholism, and homosexuality, in Psychopathology
of psychotherapy : a cybernetic study of theory, Royal Melbourne Institute
of Technology, Australia et Homosexuality in the first three decades of TA:
a study of theory in the practice of TA Psychotherapy, TAJ3 vol. 34, p.
126-155
2006 : Theodore Novey, in Measuring
the effectiveness ot TA : an international study, TAJ vol. 32, p. 8-24
2007 (deux Prix ) : Helena
Hargaden et Charlotte Sills, l’AT relationnel, in Analyse transactionnelle :
une perspective relationnelle, Editions AT, 2006 / Bernd Schmid, TA and
social roles, in Growth and change for organizations: Transactional analysis
new developments 1995-2006, G. Mohr & T. Steinert, p. 32-61
2008 : Gloria Noriega Gayol
pour son travail intitulé : “Mechanisms for transmitting transgenerational
scripts“
2009 : Dolores Munari Poda, “New
Techniques in the Treatment of Children and Ensuing Theory“
2010 : William Cornell, “The
Relational and Somatic Organization of the Child Ego State: Expanding Our
Understanding of Script and Script Protocol“
Prix Raymond Hostie :
1987 : Gysa Jaoui, Des étapes pour réussir, CAT
5, p. 16-19
1989 : Jacques Van Wynsberghe, La thérapie des
patients alcooliques : de bonnes règles pour un bon contrat, AAT
n°47
1992 : Alain Crespelle, Le moi, le rôle et la
personne, différences et interférences ; extension du modèle de
l’analyse transactionnelle à la dimension instituée de la relation, AAT
n°52
1994 : Véronique Sichem, L’inhibition
intellectuelle dans la relation au savoir, AAT n°67
1996 : José Grégoire, Sur quels critères fonder la
cohérence et les frontières d’un champ d’application de l’AT ou de la formation
?, AAT n°72
1998 : Chantal Hauzoul, Quelques réflexions
comparatives à propos des processus thérapeutiques analytiques et
transactionnels, AAT n°85
2005 : Anne Noé, L’impact de la fratrie dans le
scénario, AAT n°97
2007 : Salomon Nasielski , Le traitement de
l’alliance paradoxale, AAT n°113
2009 : José Grégoire, Réflexions sur Berne,
Steiner, les courants récents de l’A.T. et nous. Partie I et II, AAT n°122,
avril 2007
2011 : Brigitte Evrard, José Grégoire, Jean Maquet,
Jean-Pierre Quazza, Autonomie des pratiques I et II, AAT n°131, juillet
2009
Source http://www.analysetransactionnelle.fr/?page_id=112 ( version du 13 décembre 2011)
5. Les grands concepts
Source http://www.analysetransactionnelle.fr/?page_id=38
(version du 13 décembre 2011)
Je vous propose de trouver ici une série de concepts
fondamentaux de l’analyse transactionnelle. Un tel découpage permet une appréhension
plus aisée de l’analyse transactionnelle - et le 101 reprend ce principe - néanmoins ne perdez pas de vue que tous
les concepts sont reliés entre eux et sont autant de portes d’entrée
différentes.
À qui sont destinés ces articles ? Aux personnes qui ne connaissent pas
l’analyse transactionnelle et qui veulent quelques premières notions et à
celles et ceux qui débutent leur formation, les autres les connaissant déjà.
J’attire votre attention sur le fait que, s’ils peuvent vous aider pour un 101,
ils sont d’un niveau moindre que le 101 et ne constituent en aucune façon un
101.
Dans le double souhait qui a été le mien de rester
fidèle à la théorie et en même temps de présenter les choses d’une manière
claire, la rédaction de ces articles s’est voulue la plus simple possible sans
jamais être simpliste. L’un des risques inhérents à l’accessibilité de la
théorie est en effet la simplification abusive et donc la déformation. D’un
autre côté, Eric Berne a eu pour souci constant de présenter une théorie
compréhensible par le plus grand nombre.
Vous trouverez ainsi pour chaque concept ces grandes
lignes de base, des illustrations… De quoi vous donnez un avant-goût que j’espère
savoureux ; à vous ensuite d’aller plus loin avec un manuel ou un cours !
N’hésitez pas à me contacter pour vos interrogations, remarques ou suggestions !
5.1 Les besoins de base
Sourcehttp://www.analysetransactionnelle.fr/?page_id=58
(Version du 13 décembre 2011)
Voici trois
situations, n’hésitez pas à prendre le temps de les lire et de les imaginer :
- Vous
vous étiez endormi et à présent vous ouvrez les yeux. Il fait totalement
noir, vous n’entendez pas un bruit, vous êtes seul et vous ne savez pas
où. Lorsque vous étendez les bras autour de vous, rien. Vous vous levez,
faîtes quelques pas prudents, mais toujours aucun autre contact que le sol
dur. Au bout d’un moment, vous risquez un appel : personne ne vous répond.
Ça fait longtemps maintenant que vous marchez, mais tout est désespérément
noir et vide… Je sais pas vous, mais moi je commencerais à ne pas me
sentir très très bien… Et puis tout à coup, toujours dans le noir et le
silence, vos mains viennent se poser sur ce qui semble être un mur ! Vous
décidez de le suivre : vous n’êtes peut-être pas entièrement rassuré, mais
déjà vous allez mieux1.
- À
présent, vous êtes dans une pièce aux murs blancs (où noirs mais c’est
pour changer un peu), éclairée par l’électricité, dont vous ne distinguez
pas les contours. Personne d’autre que vous. Et pas un son ne parvient à
vos oreilles. Aucune odeur. Pendant longtemps. Vos yeux sont éblouis par
tout ce blanc sans contraste, vos mains endolories à force de ne
(quasiment) rien toucher. À un moment, là encore vous ne vous sentirez
probablement pas très bien. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle la torture
par la privation sensorielle.
- Cette
fois, vous êtes au grand jour, dans une rue… et vous n’êtes pas seul !
Chouette des gens ! Sauf que étrangement personne ne vous regarde, ne fait
attention à vous. Étrange… Vous faîtes un sourire, personne ne vous le
rend, vous demandez l’heure, la personne passe son chemin comme si de rien
n’était… Vous avez alors la désagréable sensation d’être transparent(e),
voire de ne pas exister2.
Voilà, c’est tout ! Détendez-vous, prenez une grande
respiration et… voyons la suite.
Eric Berne3s’est
interrogé sur nos besoins de base, qu’il a appelé “soifs” par analogie à
la nutrition. Avons-nous, au-delà de l’eau, de la nourriture ou de l’air,
d’autres besoins aussi importants, et donc vitaux, que ceux-là ?
Quels sont nos besoins de base ?
- La soif
de structure :
c’est le besoin d’avoir des limites. C’est en effet rassurant, de savoir
que l’on ne peut pas tout faire. C’est également le besoin de structurer le temps d’une journée…
Comme celui d’une vie, de savoir comment occuper ce temps entre notre
naissance et notre mort. Songez à l’ennui, à ces changements de vie (un
licenciement qui bouleverse votre rythme : et demain que vais-je faire ?).
Or, cette soif est à la fois “mentale“, mais également physique :
revoyez un adolescent qui vient vous dire pour la énième fois “j’sais
pas quoi faire“, on peut dire de lui qu’il est “mou” ; son dos
est courbé, les épaules sont tombantes… Il s’affale à présent… Structurer
son temps c’est aussi un besoin biologique, comme la nourriture.
- La soif
de stimulation :
c’est le besoin de “nourrir” ses cinq sens, de se sentir au contact
du monde et de la vie. Comparez n’importe quel bureau fermé sans fenêtre
et le même avec une fenêtre… Ça change tout, non ? A l’inverse, des
bureaux en open space risquent de “suralimenter“. Petit conseil :
quand vous vous sentez déprimé, ne restez pas chez vous, allez marcher,
prendre un café, même seul(e) ; vous nourrirez votre soif de stimulation,
vous vous ferez du bien.
- La soif
de reconnaissance : c’est le besoin de se sentir reconnu par
l’Autre. Cela va du simple retour que j’attends lorsque je dis bonjour à
quelqu’un, à l’amour que je peux lire dans les yeux de mon amie. Cette
soif “s’étanche” par les signes de reconnaissance. La soif est
variable selon chacun, certains vont avoir de grands besoins de
reconnaissance : ils pourront devenir comédiens et être applaudis tous les
soirs par un public conquis - ou ennemi public n°1 - d’autres moins : ils
pourront travailler en tant qu’archivistes ou à leur domicile.
À noter :
- Une
grande partie de notre activité quotidienne est orientée - que nous en
ayons conscience ou non - vers la satisfaction de ces trois soifs : savoir
quels sont nos besoins nous aide à les satisfaire plus efficacement et à
nous maintenir en bonne santé morale et physique.
Pour aller plus loin :
- Quels
peuvent être les besoins satisfaits lorsque l’on est devant la télé ou
internet (chats, réseaux sociaux…) ?
2. A. de Louise,
conférence [↩]
5.2 Les signes de reconnaissance
Au carrefour entre l’intrapsychique et le
comportemental, entre les besoins de base, le scénario ou les positions de vie
et les transactions, les signes de reconnaissance est un concept puissant que
j’apprécie beaucoup.
Voici deux extraits dans lesquels vous allez pouvoir
découvrir ce que sont les signes de reconnaissance… aux deux extrêmes :
·
Ignatius
vient de se reconvertir en vendeur de saucisses ambulant, mais, au grand dam de
ses clients, il préfère les manger que les vendre : “Je dis que t’es
complètement givré, timbré, s’coué, t’entends ? aboya George [le client]
(…). Comment osez-vous venir me crier des obscénités ? Arrêtez-le ! lança
férocement Ignatius tandis que George se fondait dans la foule (…). Qu’un bon
citoyen se saisisse de ce délinquant juvénile ! De ce répugnant mineur ! Il n’a
pas le moindre respect. Ce rejeton du ruisseau a mérité le fouet jusqu’à
l’évanouissement ! Une femme du groupe qui s’était formé autour de la
saucisse ambulante dit alors : Si c’est pas malheureux ! Où qu’y vont les
chercher les vendeurs de saucisses, non mais c’est pas vrai ! Paumés, c’est
tout paumés et compagnie, lui répondit une voix. Tout ça c’est l’pinard,
si vous voulez savoir. C’est ça qui les rend fous, à mon avis. On devrait pas
laisser des lascars comme ça en liberté dans les rues”1.
·
Autres
temps, autres mœurs et autre style : Mathilde avoue son amour à Ambrosio, homme
d’Eglise : “Maudit soit le jour où je mis pour la première fois les pieds
dans l’Eglise des Capucins ! Dieu seul ou le diable savent ce que mon ange
gardien pouvait bien faire ce jour-là (…). Comme je buvais vos paroles ! Comme
votre éloquence m’enlevait de terre ! Je voyais autour de vous comme une
auréole de gloire et votre visage flambait de la majesté même de Dieu. Je
sortis de l’église, brûlante d’admiration. Vous devîntes l’idole de mon cœur,
l’objet incessant de mes méditations. Moi, que la piété n’étouffe pas, je
hantai littéralement la cathédrale, dans l’absurde espoir de vous voir, de me
repaître de ce qui émane de vous. La nuit calmait mes ardeurs, car, toute
pleine de vous, je ne manquais jamais de vous retrouver dans mes rêves. Les
bras ouverts, vous m’accueilliez comme un esprit et comme un homme et forte de
votre aide, je me risquais sans crainte sur les chemins de la vie” 2 .
C’est beau, non ?… Alors, qu’est-ce qu’un signe de
reconnaissance ?
Eric Berne définit un signe de reconnaissance (que
vous pouvez également rencontrer sous le nom de caresse ou de l’anglicisme
strokes) comme “tout acte impliquant
la reconnaissance de la présence d’autrui”3. Le signe de
reconnaissance est un message que j’envoie à l’autre qui lui signifie que pour
moi il existe, que je sais qu’il est présent.
Un signe de reconnaissance répond à
la soif de reconnaissance. C’est donc un message très
important pour nous. Songez à ce que vous ressentez (ou ressentiriez) a
contrario si une personne ne vous rend(ait) pas votre bonjour…
Quels sont les différents types de signes de
reconnaissance ?
Un signe de reconnaissance peut être :
- verbal
ou non verbal : “bonjour” ou un clin d’oeil,
- positif
ou négatif : un compliment ou une critique négative,
- conditionnel
ou inconditionnel : le premier est factuel, précis et circonstancié, il
concerne le “faire” : “ton rapport est excellent” ou “ton gâteau
n’est pas une réussite“, le second est relatif à l’”être” de la
personne dans sa globalité : “je t’aime“, ou “je ne peux pas te
voir“,
- obtenu
par une demande directe (”que penses-tu de…“) ou indirecte (par un jeu psychologique par exemple).
À votre avis, dans les deux extraits proposés, de
quels types sont les signes de reconnaissance échangés ?4
Comment utiliser ce concept ?
Observer et analyser les échanges d’un groupe de
travail ou d’un couple à travers cette grille de lecture en dit beaucoup sur la
manière dont est conçue la relation, sur la manière dont l’autre est
appréhendé.
Pour cela l’objectif est d’établir ce que l’on appelle “l’économie des signes de
reconnaissance” en vigueur dans ce groupe. C’est Claude Steiner5 , un
proche d’Eric Berne et un pionnier de l’analyse transactionnelle, qui a énoncé
l’idée selon laquelle la manière dont sont gérés les signes de reconnaissance
dépend d’une croyance de pénurie (il n’y a pas assez de signes de
reconnaissance positifs pour tout le monde) qui génère, en application des
principes de l’offre et de la demande, cinq règles :
- Ne
demande pas les signes de reconnaissance dont tu as besoin (”Ils sont trop
chers, on ne te les donnera jamais !”)
- Ne
donne pas les signes de reconnaissance que tu souhaites donner (”Tu n’en
auras plus !”)
- N’accepte
pas les signes de reconnaissance dont tu as besoin (”En période de
disette, il vaut mieux les stocker à la cave que les utiliser”)
- Ne
refuse pas les signes de reconnaissance dont tu ne veux pas (”Ceux là je
peux me les offrir, ils sont moins chers”)
- Ne te
donne pas de signes de reconnaissance positifs à toi-même (”C’est du
gâchis !”)
Ce qui, dans
le milieu de l’entreprise, peut donner les questions suivantes :
- Sur
quelles bases se développe le “donner” ? Avec des trocs, du
chantage, de la rétention ou des offrandes réelles ?
- Sur
quelles bases se fait le “refuser” ? Par des oppositions, des
rejets, des critiques ou une affirmation, une argumentation, une
coopération, une recherche de synergie ?
- Sur
quelles bases se vit le “recevoir“? Avec des disqualifications, des
dévalorisations ou une amplification, un réajustement et des
confrontations (et non des affrontements) ?6.
Établir la grille d’échange de
signes de reconnaissance du groupe permet de savoir sur quel levier agir pour changer
les interactions entre ses membres.
À noter :
- Les
signes de reconnaissance obéissent à une règle humaine fondamentale : mieux
vaut un signe de reconnaissance négatif que pas de signe de reconnaissance
du tout, ou autrement dit : tout mais pas l’indifférence. La soif de reconnaissance est un
besoin vital ; un enfant n’hésitera pas à faire une bêtise même s’il
doit se faire réprimander par ses parents s’il a le sentiment qu’ils ne
font pas assez attention à lui. Tout comme un adulte qui se sent mis à
l’écart d’une réunion de travail peut mettre en place des stratégies plus
ou moins conscientes pour se faire remarquer en tapotant son stylo contre
la table, ou en renversant son verre.
- Un
signe de reconnaissance peut être “filtré” par son destinataire : “C’est
génial ce que tu as réalisé”, “Oh, c’est trois fois rien“, ou “Cette
fois je pense que ta plaquette ne répond pas à leurs attentes”, “De toute
façon, tu n’es jamais d’accord”.
- Il n’y
a pas de bons ou de mauvais signes de reconnaissance. Il est aussi
important de féliciter quelqu’un qui vient de réussir un examen que de
marquer son désaccord sur une initiative ou de critiquer une réalisation :
c’est un excellent moyen d’apprentissage.
Pour aller plus loin :
- Vous
pouvez établir votre propre économie des signes de reconnaissance en
général ou dans une situation donnée (votre travail, votre conjoint, vos
enfants…). Pour cela remplissez d’une manière intuitive ce tableau en
notant de 1 à 5 votre capacité à accepter/demander/refuser/donner des
signes de reconnaissances verbaux conditionnels et inconditionnels
positifs, puis négatifs avec un autre tableau. Vous pouvez faire de même
avec les signes de reconnaissance non verbaux.
4. verbaux, négatifs
inconditionnels dans le premier extrait et verbaux, positifs inconditionnels
dans le second [↩]
6 J. Salomé, in Passeur de vies, blog [↩]
5.3 Les États du moi
Les États du moi c’est LE concept de l’analyse
transactionnelle. L’un des premiers mis à jour par Eric Berne et en même temps
l’un des piliers de la théorie : il sert d’ailleurs de logo aux analystes
transactionnels.
C’est un concept impressionnant a plusieurs titres :
son originalité (il ne se confond pas avec le ça, le moi et le surmoi de la
psychanalyse et aucune autre théorie n’a pensé un équivalent), sa puissance (il
concerne à la fois l’intérieur et l’extérieur de soi), sa pertinence (il permet
notamment une connaissance de soi très fine), son efficacité (c’est un outil de
diagnostic majeur)… La richesse de ce concept explique qu’il s’affine encore
aujourd’hui, de nombreux analystes transactionnels (dont José Grégoire) font des recherches approfondies
pour aller toujours plus loin.
Eric Berne s’est aperçu qu’il y a une corrélation
entre le comportement d’une personne, ce qu’elle dit, et l’émotion qu’elle
transmet à un moment donné. Et que bien souvent ce même ensemble de
manifestations se reproduit de la même façon face une situation identique. Il a
ainsi fait le lien entre émotion, pensée et comportement. Il s’est ensuite
rendu compte, en s’appuyant sur les travaux du psychanalyste Paul Federn, qu’il
était possible de regrouper ces “corpus” de manifestions en trois
ensembles distincts. Parfois, la personne se comporte (voix, postures,
mimiques…) comme l’un de ses parents (pas n’importe quels parents), à
d’autres moments elle reprend des attitudes ou une façon de parler qu’elle a
eus quand elle était petite, et enfin à d’autres moments encore elle agit comme
un adulte dans le langage courant : il appellera ces trois façons d’être les
États du moi.
Les États du moi peuvent se représenter sous deux
formes différentes : le modèle structural des États du moi et le modèle
fonctionnel des États du moi.
Le modèle structural des États du moi :
Les États du moi se visualisent par trois cercles
superposés intitulés Parent, Adulte et Enfant (l’usage de la majuscule signifie
que nous parlons des États du moi et non d’un parent, d’un adulte ou d’un
enfant).
Pour Eric Berne1 la structure
de la personnalité se compose (quel que soit l’âge) de trois États du moi :
- Parent
(P) : qui
conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements
de modèles parentaux et intégrés tels quels,
- Adulte
(A) : qui
conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements
liés au “touché” de la réalité, à l’ici et maintenant,
- Enfant
(E) : qui
conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements
tels que la personne les a vécus dans son enfance.
Cela signifie que, tout au long de sa vie, une
personne :
- Observe
comment ses parents (ou grands-parents, tuteurs, puis une figure
spirituelle ou un grand professionnel) se comportent, ce qu’ils disent, ce
qu’ils transmettent de leurs émotions face aux différentes situations de
la vie. Ces observations lui serviront de modèles ultérieurement. Imaginez
qu’il s’agisse d’un “regard” tourné vers l’Autre,
- Fait
des expériences, appréhende la réalité de tous les jours et en enregistre
les conclusions. Ici, “le regard” vise devant et autour de soi.
- A ses
propres ressentis, émotions, et besoins, évolutifs par nature et qu’elle
va s’attacher à satisfaire avec plus ou moins de succès : “le regard”
est alors tourné vers soi.
Ainsi, à chaque instant nous abordons la réalité avec
trois possibilités : y plaquer
des modèles (”être dans le Parent“), reproduire des vécus personnels
d’autrefois (”être dans l’Enfant”), ou prendre la réalité telle qu’elle
est - et non pas telle que nous voudrions qu’elle soit - avec ce que nous
sommes et non ce que nous avons été ou ce que nous voudrions être (”être
dans l’Adulte”).
P, A et E s’appellent les États du moi structuraux
(pour la structure de la personnalité) et concernent donc le contenu
intrapsychique. Voyons à présent les États du moi visibles de l’extérieur et
que l’on nomme fonctionnels. Ensuite, nous verrons l’articulation entre les
deux.
Le modèle fonctionnel des États du moi :
Il se visualise ainsi :
Vous retrouvez l’État du moi Parent mais avec d’un
côté une partie intitulée Parent Normatif (PNF) et l’autre Parent Nourricier
(PNR), l’Adulte n’est pas divisé et l’État du moi Enfant est scindé en deux
parties : Enfant Adapté (lui-même subdivisé en Enfant Adapté Rebelle (EAR) et
Enfant Adapté Soumis (EAS)) et Enfant Libre (EL).
La manifestation de ces États du moi est observable,
c’est-à-dire qu’à chacun de ces États du moi correspondent un comportement
(ton, volume de la voix, mimiques, gestuelles, postures…) et un vocabulaire
spécifiques.
Il n’y a pas de “bons” ou de “mauvais”
États du moi, tous ont une fonction différente essentielle et complémentaire.
Voici les fonctions de chacun :
- Parent
Normatif :
fonction de protection et de transmission de valeurs
- Parent
Nourricier :
fonction de permission et d’encouragement
- Adulte : fonction d’exploration de
l’environnement
- Enfant
Adapté Rebelle :
fonction d’opposition légitime
- Enfant
Adapté Soumis :
fonction d’adaptation à l’environnement
- Enfant
Libre :
fonction d’expression des besoins et des émotions de base
Exemples :
- Parent
Normatif : un enfant veut traverser la route alors qu’une voiture arrive,
un passant lui dit vivement : “Recule-toi !”, éventuellement en
accompagnant le geste à la parole,
- Parent
Nourricier : à un collègue qui vient de se voir confier une nouvelle mission
délicate : “Tu vas y arriver, le patron a raison tu es notre meilleure
ressource pour ce projet !” sur un ton chaleureux,
- Adulte
: chez un concessionnaire : “Combien coûte cette voiture ?” avec un
ton neutre,
- Enfant
Adapté Rebelle : quelqu’un me parle avec un ton que je n’accepte pas, je
lui dis avec vigueur : “Tu me parles sur un autre ton s’il te plaît“,
- Enfant
Adapté Soumis : sans raisons apparentes, un policier m’arrête et me
demande mes papiers ; sans poser de questions je les lui donne,
- Enfant
Libre : en pleine réunion de travail, un collègue propose une pause parce
qu’il a soif : “Allez hop, pause café !” sur un ton cordial et
dynamique.
En revanche, l’utilisation d’une manière excessive
d’un État du moi, sans nécessité par rapport à la situation, conduit à rendre
inopérationnel l’usage de sa fonction : si une personne parle régulièrement
vivement à son enfant, celui-ci ne saura plus faire le distinguo entre
l’avertissement face à un danger avéré et une situation banale, si quelqu’un
fait systématiquement ce qu’on lui dit, il ne fera plus la différence entre
l’adaptation adéquate et ce que l’on nomme la sur-adaptation, c’est-à-dire
l’adaptation au détriment de ses propres besoins, ou si un collègue interrompt
une réunion toutes les deux minutes parce qu’il a soif, il est probable qu’au
bout d’un moment il n’aura plus voix au chapitre.
Quels sont les liens entre les deux modèles ?
Ce que vous êtes à l’extérieur de vous trouve son
origine à l’intérieur de vous. C’est un peu comme un iceberg, la partie
immergée ce sont les États du moi structuraux, la partie émergée ce sont les
États du moi fonctionnels. Ici, l’essentiel est de retenir que l’Adulte (A)
peut choisir l’État du moi fonctionnel qu’il veut. Tout l’intérêt est même
d’être dans l’Adulte structural (A) pour nous permettre d’adopter l’État du moi
fonctionnel le plus approprié face à une situation.
Reprenons l’exemple du contrôle d’identité :
- Si je
suis dans mon Parent (P), je peux réagir ainsi : “Bien sûr mes
papiers, j’approuve tout à fait ces contrôles inopinés, et même je pense
qu’ils sont très utiles pour attraper les délinquants”, sur un ton
urbain (Parent Normatif) - et probablement à chaque fois que je verrai un
policier je réagirai dans ce cadre.
- Si je
suis dans mon Enfant (E), je peux réagir ainsi (et probablement à chaque
fois que je verrai un policier je réagirai dans ce cadre) :
- “J’ai
rien fait, jamais je ne vous donnerai mes papiers !”, sur le ton de
l’injustice (Enfant Adapté Rebelle)
- “Mes
papiers, bien sûr, je peux vous donner ma carte d’identité, mon passeport…
Ohlala dites-moi ça suffira ?” sur un ton inquiet et empressé (Enfant
Adapté Soumis)
- “Oh,
vous voulez pas boire un coup plutôt ?” (Enfant Libre - délicat…)
- Si je
suis dans mon Adulte (A), je peux choisir entre plusieurs possibilités
(et à chaque fois que je verrai un policier je pourrai choisir mon type de
réaction) :
- De
donner mes papiers sans poser de questions (en tant qu’observateur,
j’identifie ici un État du moi Enfant Adapté Soumis, mais ce n’est pas la
même manifestation que lorsque l’État du moi Enfant (E) est aux commandes,
aucune angoisse ou inquiétude ne transparaissent ; j’ai un objectif : que
ce contrôle dure le moins de temps possible et je fais tout pour que ce
soit le cas )
- De dire
: “Pour quelles raisons me demandez-vous mes papiers ?”, sur un ton
neutre (en tant qu’observateur, j’identifie ici un État du moi Adulte)
parce que j’ai du temps, ou que je n’exclus pas que je puisse avoir commis
une infraction par inadvertance et que je veux savoir laquelle, etc.
C’est pourquoi vous trouviez peut-être la réponse
Enfant Adapté Soumis tout à fait adulte. Oui, adulte avec un petit a.
Parce que la personne est dans son Adulte (A), elle adopte l’État du moi qui
lui convient, il est adapté à la fois à l’environnement et à son souhait.
À noter :
- Ne
confondez pas l’Adulte structural (A) et l’Adulte fonctionnel (aussi A)…
Le premier décrit le contenu intrapsychique et intègre des pensées,
comportements et sentiments, le second se définit par sa fonction
d’exploration dont la manifestation la plus classique est l’usage
de phrases interrogatives ou informatives.
- L’Adulte
structural (A) est parfois présenté comme un ordinateur, un État du moi
qui fait des essais “froidement” et qui enregistre le résultat : ce
n’est pas exact. Il intègre des pensées, comportements et
sentiments. Ainsi, si vous réussissez un examen vous pouvez ressentir une
joie justifiée et la manifester d’une façon qui vous est propre et
authentique et sans que ce soit la répétition d’un passé ou la
reproduction d’un modèle.
- Qu’il
s’agisse de l’Enfant Adapté Rebelle ou de l’Enfant Adapté Soumis, ils sont
tous les deux adaptés. C’est-à-dire que les personnes qui ont
souvent recours à ces États du moi ont tendance à définir leur cadre de
vie par rapport à une référence extérieure au sens large (parents,
travail, conjoint, amitiés…) à laquelle ils réagissent en opposition
(Rebelle) ou en acceptation (Soumis), plus qu’en fonction de leurs propres
besoins.
- Pour
améliorer la cohérence de certaines de nos décisions, ou pour
éviter d’éventuelles déconvenues, il peut être intéressant d’interroger
nos États du moi. Imaginons qu’un ami dise vouloir vivre de sa plume : son
Enfant peut dire “Chouette, j’en rêve !”, son Adulte “Vérifions
au préalable la faisabilité financière”, et son Parent “Ce n’est
pas un métier convenable” : il est préférable qu’il ait conscience et
qu’il prenne en compte ce discours interne avant d’aller plus loin.
Pour aller plus loin :
Voici quelques phrases, pouvez-vous deviner l’Etat du
moi fonctionnel dans lequel était la personne lorsqu’elle les a dites ?
- “Tu
peux toujours courir ! Je le ferai jamais”, dit avec défi et beaucoup
d’énergie, sur un ton de révolte2
- “Peux-tu
m’aider à rédiger cette partie ?”, d’un ton informel3
- “Oh,
c’est super joli ! Je veux le même !” dit d’une voix joyeuse et
enthousiaste, le sourire aux lèvres4
- “C’est
inadmissible ! Tu n’as pas intérêt à faire ça !”, le visage rouge de
colère, ton haut et volume sonore élevé5
- “Ce
que je vous dis là, c’est pour votre bien”, d’un ton amical et
réconfortant avec une voix douce6
- “Les
cours commencent à 15h. Ils finissent à 18h”, sur un ton neutre7
- “Le
respect est de mise ici, vous sortez”, sur un ton ferme, en désignant
la sortie8
- “T’es
sûr que je peux ? J’en suis pas sûr, je préfère pas”, d’un ton
craintif, le visage inquiet9
Une présentation des États du moi par Fanita English, analyste
transactionnelle, en 10 minutes : vidéo
1. Que dites-vous après
avoir dit Bonjour ? Tchou [↩]
2. Enfant Adapté Rebelle
[↩]
3. Adulte [↩]
4. Enfant libre [↩]
5. Parent Normatif [↩]
6. Parent Nourricier [↩]
7. Adulte [↩]
8. Parent Normatif [↩]
9. Enfant Adapté Soumis [↩]
5.4 Les transactions
Une transaction c’est un échange de signes de
reconnaissance, verbal ou non verbal, entre deux personnes, c’est-à-dire un
stimulus et une réponse à ce stimulus. La grille de lecture proposée par
Eric Berne permet, à partir d’un découpage simple, de penser avec beaucoup de
pertinence la façon dont nous sommes en rapport les uns avec les autres. Avant
d’aller plus loin, je vous conseille de lire au préalable l’article consacré
aux États du moi.
Eric Berne1 a distingué
trois différents types de transactions et trois règles de la communication.
Quels sont les différents types de transactions?
- Les
transactions simples complémentaires : l’État du moi “visé” est celui qui répond.
Ici, les vecteurs sont parallèles. La première illustration est un échange
de type A-A qui pourrait être : “Quelle heure est-il ? - Il est 18h00″,
et un autre échange de type P-E : “Tu ne dois pas sortir sans ta montre
- Oui, mais là je l’ai oubliée“.
- Les
transactions simples croisées : l’État du moi “visé” n’est pas celui qui
répond, ou/et l’État du moi en réponse “vise” un autre État du moi que
l’État du moi émetteur. Les vecteurs, le plus souvent, ne sont pas parallèles
ils se croisent, mais pas nécessairement. Voici une première illustration
: une personne, à partir de son Adulte, s’adresse à une autre en visant
son Adulte, mais celle-ci répond vers le Parent à partir de son Enfant : “A
quelle date viens-tu me voir?” - “Tu vas m’en vouloir si je ne
viens pas ?” Et un second de type AA/PP : “As-tu vérifié les
données du tableau ?” - “C’est à ça qu’on reconnaît les vrais
professionnels, non ?”.
- Les
transactions cachées ou à double-fond : ce sont des transactions dites complexes parce
qu’une seule phrase comporte ici deux messages. Le premier message est
appelé le message social, ce sont les mots prononcés, ce qui est dit
verbalement. Le second est le message caché ou psychologique, ce sont “les
mots” que l’on ne dit pas verbalement, mais qui peuvent - ou non -
être très bien “entendus” par son interlocuteur. L’une des formes
bien connues de ce type de communication sont les sous-entendus. Dans la
première illustration, la personne émet un message social à partir de son
Adulte vers l’Adulte de son interlocuteur (représenté par un vecteur
continu) et un message caché à partir de son Parent vers l’Enfant
(représenté par un vecteur en pointillé). Cela donne par exemple pour un
couple qui découvre ses différences dans une nouvelle vie en commun :
message social AA “Tu ne ranges pas tes chaussettes propres ?” et
un message caché PE “Les chaussettes propres et repassées doivent être
rangées dans un tiroir”. Dans le second schéma, le message social est
aussi de l’Adulte vers l’Adulte mais le message psychologique part de
l’Enfant et “vise” l’Enfant : c’est le fameux “Tu veux venir prendre un
dernier verre chez moi ?”, message social AA lancé à minuit entre deux
personnes qui s’attirent sans se le dire encore et un message caché EE “Tu
veux passer la nuit avec moi ?”. Si le verre est accepté, il y a de
grandes chances que cela inclue aussi le café du matin…
Quelles sont les trois règles de la communication ?
- Quand
les vecteurs sont complémentaires, la communication peut se poursuivre
indéfiniment (“Dis-moi à quelle heure est ton train ? A 20h, tu peux
venir me chercher ? Oui, tu penses à me rapporter mon livre ? Oui, il est
déjà dans mon sac…”).
- Quand
les vecteurs se croisent, la communication change : soit elle s’arrête,
soit elle continue mais à la condition que l’un des interlocuteurs change
d’État du moi et restaure ainsi le parallélisme : “À quelle date
viens-tu me voir ?” (A→A), “Tu vas m’en vouloir si je ne viens pas
?” (Enfant qui “vise” un Parent Nourricier) → par exemple : “Mais
non, bien sûr tu viendras quand tu pourras” (réponse du Parent
Nourricier vers l’Enfant), mais il est difficile de donner une réponse à
partir de l’Adulte.
- Dans
les transactions cachées, c’est la prise en compte - et donc la réponse
complémentaire - au message psychologique, et non au message social, qui
détermine la continuité, la fluidité de la communication. Dans l’exemple
du “dernier verre”, si la réponse est oui et que votre
interlocuteur s’en va après son verre en disant merci, vous serez sans
doute quelque peu désarçonné(e)… Vous “entendiez” bien le oui comme
une réponse à votre message caché ! Dans ce cas, la réponse aurait pu être
“Alors juste un verre”, sous-entendu non au message caché (et non
qu’il/elle n’a pas très soif) : et vous étiez fixé. En revanche, si la
réponse est non, bien qu’il/elle ne réponde qu’à propos du verre, vous
devrez sans doute réenvisager la relation…
À noter :
- Le
cadre dans lequel s’instaure la relation conditionne la nature des
transactions échangées. “Salut, ça roule ?” peut se dire à un ami,
moins à un patron… De telle sorte qu’à l’inverse, la transaction me
renseigne sur la nature de la relation.
- Dans un
jeu psychologique, il s’agit d’échange
de transactions cachées parallèles, lorsque survient le coup de théâtre,
c’est.. une transaction simple croisée !
- Les
transactions cachées peuvent être tout à fait adaptées : dire quelque
chose de manière diplomatique, jouer sur le sous-entendu pour faire de
l’humour…
Pour aller plus loin :
- Après
la lecture de cet article et de celui sur les États du moi, vous pouvez commencer
à “faire votre oreille”, à écouter ce qui se dit autour de vous, à
chercher la nature des transactions et celle des États du moi fonctionnels
à l’œuvre.
5.5 La structuration du temps
La structuration du temps est un concept que je trouve
très ingénieux : Eric Berne1 a réussi à
articuler en seulement six modes l’ensemble des façons d’être en relation avec
l’autre.
Quels sont-ils ? Lisez cette illustration… ils y sont
tous ! :
Réunion de comité interprofessionnel. En arrivant
certains se serrent la main : « Bonjour, comment allez-vous ? », « Bien et vous
? », à la suite les uns des autres (2), mais certains nouveaux membres,
inconnus pour un instant encore, préfèrent rester à l’écart et ne se présenter
que lors du tour de table (1).
En attendant que la réunion commence, certains, qui ne
se connaissent pas encore beaucoup, discutent entre eux : « Quel bel été ! », «
C’est vrai que l’année dernière le mois d’août avait été pluvieux», « Ne m’en
parlez pas, toutes mes vacances ont été gâchées » (3).
D’autres encore qui se connaissent depuis longtemps et
ont d’autres occasions de se voir en dehors du comité : « Toujours d’accord
pour ce week-end ? Nous devons arriver à démarrer ce moteur», « Oui, j’ai
beaucoup réfléchi, je crois effectivement que si la culasse s’est dévissée et que
la chemise du piston a tourné un peu, les trous d’admission et d’échappement ne
sont plus en face, tu crois pas ? » (4).
Pendant ce temps, le responsable du comité, qui attend
que tout le monde soit arrivé, pose une question à son adjoint, qui, à ce qu’on
dit, est un carriériste nerveux : « Alors votre présentation est-elle prête ?
», « Oui, cela n’a pas été simple, j’y ai passé tout le week-end mais c’est
prêt », « Très bien, mais j’ai réfléchi, finalement vous ne la ferez pas, je
crains que cela ne soit encore un peu prématuré » (5).
Les deux derniers membres du comité arrivent tout
juste, c’est un couple d’amis qui étaient en train de remettre les pendules à
l’heure (6).
Comment structurons-nous notre temps avec l’autre ?
- Le
retrait (1) : les signaux que j’envoie indiquent que je ne souhaite pas
rentrer en contact avec l’autre : je ne m’approche pas, je ne lui parle
pas ou je ne le regarde pas : je reste dans “mon coin” - ou d’une
façon plus inconsciente - je suis dans mes pensées,
- Le
rituel (2) : c’est la façon socialement admise de commencer et de terminer
un contact relationnel : c’est ainsi le “bonjour” et l’”au
revoir” ; c’est un automatisme culturel. Faites l’essai : répondez “non”
à “comment ca va ?“, vous allez probablement sentir une gêne chez
votre interlocuteur : ce n’est pas la réponse prévue !
- Le
passe-temps (3) : comme son nom l’indique, c’est une manière de passer le
temps, de discuter avec l’autre sans s’impliquer trop dans la relation, la
conversation est balisée, elle se fait “toute seule“. L’exemple le
plus typique c’est le temps qu’il fait en cette saison, oh m’en parlez pas
…
- L’activité
(4) : la relation est instaurée pour faire quelque chose ensemble. La
conversation, les gestes sont dédiés à cette réalisation : un
compte-rendu, une maquette, un site internet…
- Les
jeux (5) : on retrouve ici les séquences relationnelles qu’Eric Berne a
appelé les jeux psychologiques.
- L’intimité
(6) : c’est un moment, bref et peu fréquent, où les interlocuteurs
échangent sur ce qu’ils ressentent, de la joie, des sentiments amoureux,
de la colère ou de la tristesse, d’une manière authentique, c’est-à-dire
sincère et exempte de volonté manipulatoire (de l’autre, de la relation).
À noter :
- Il n’y
a pas un mode qui serait mieux qu’un autre : la plupart du temps, mais pas
nécessairement, un échange évolue entre les modes, il pourra aller du
retrait ou du rituel à l’activité, ou aux jeux puis revenir vers
l’activité… Ainsi, les rituels ont leur importance : imaginez qu’une
personne vienne vous voir et commence ainsi “T’as pu faire les plans ?”
!! C’est plus fréquent dans le monde professionnel où le responsable d’une
réunion peut orienter tout de suite les échanges vers l’objectif.
- La
structuration du temps permet de répondre à notre besoin de structure : aujourd’hui j’irai à
mon travail en bus et je serai dans le retrait, puis rituellement je
prendrai un café avec mes collègues et je serai dans le passe-temps…
- Plus
vous vous orientez vers un mode relationnel intense (4, 5 et 6) , plus les signes de reconnaissance que
vous échangez peuvent être nourrissants2.
Pour aller plus loin :
- Pour
visualiser vos modes relationnels préférés, vous pouvez représenter votre
propre structuration du temps selon cet exemple (il est normal que pour
les jeux ce soit moins facile… ils sont inconscients !). Vous pouvez faire
un diagramme pour votre vie professionnelle, un autre pour votre vie
personnelle ou pour une seule personne ; comment je structure mon temps
avec mon conjoint, mon enfant…
5.6
Les jeux psychologiques
Les jeux psychologiques sont l’un des concepts phares
de l’analyse transactionnelle. Eric Berne a publié un livre dédié à ce thème, Des
Jeux et des Hommes, devenu best-seller.
Lisez cet extrait tiré de l’excellent “L’Attrape-Cœur”
de J.D Salinger (Pocket, p.
40 et 55) :
[Holden et Stradlater, 16 ans, discutent dans les
dortoirs de l'internat :]
Stradlater : “Et en plus, j’ai une dissert’. Tu me
la ferais pas, ma dissert’? Si je ne la rends pas lundi, je vais avoir des
emmerdes. Voilà pourquoi je te demande. Tu veux bien ?”
Holden : Ça m’a semblé un peu fort le comble de
l’ironie. “C’est à moi que tu demandes de faire ta dissert’? A moi qu’on
vient de flanquer à la porte ?”
Stradlater : “Ouais, je sais. Ce qu’il y a c’est
que j’aurais des emmerdes si je la rends pas. Tu serais un pote, un vrai pote.
D’accord ?”
Holden : J’ai pas répondu tout de suite. Avec
les salauds dans son genre, le suspense c’est pas mauvais. J’ai dit:
” Sur quoi la dissert’?”
Stradlater : “N’importe quoi. Une description. Une
pièce dans une maison. Ou bien une maison. Tu vois le truc. Du moment qu’on
décrit.”
[plus tard]
Tout d’un coup, il a gueulé : “Holden, sacré bordel
! T’as parlé d’un gant de base-ball.”
Holden : “Et alors ?” Que j’ai dit. Vachement
glacé.
Stradlater : “Quoi, Et alors ? Je t’ai pas expliqué que ça devait décrire une
maison ? “
Holden : “T’as dis que ça devait être descriptif.
Si c’est un gant de base-ball je vois pas la différence.”
Stradlater : “Bon Dieu de bon Dieu”. Il était
dans tous ses états. Vraiment furax. “Tu fais toujours tout de travers”. Il
m’a regardé, il a crié : “Pas étonnant si on te fout à la porte. Tu fais
rien comme il faudrait. Je te jure. Jamais rien”
Ce court dialogue est typique de ce que l’on nomme un
jeu en analyse transactionnelle. Voyons d’un peu plus près ce qui se passe :
Stradlater demande à Holden, qui vient de se faire mettre à la porte du lycée,
de lui faire sa dissertation. Holden, à lire ses pensées (”Avec les salauds
dans son genre“), ne semble pas a priori coopératif, mais il la rédige tout
de même sur la base d’informations floues. Bilan : la dissertation est mal
faite selon Stradlater, celui-ci est en colère et Holden en prend pour son
grade.
Qu’est-ce qu’un jeu psychologique ?
Eric Berne a défini le jeu comme “le déroulement
d’une série de transactions cachées, complémentaires,
progressant vers un résultat bien défini, prévisible”.1
C’est un échange entre deux ou plusieurs personnes
dont le but réel pour chacun n’est pas la poursuite de la discussion au niveau
de ce qui est dit mais de ce qui est dit et qui ne s’entend pas (non au
niveau social, mais au niveau caché).
Pourquoi a-t-il appelé cela un jeu ?
Un jeu c’est une activité plutôt amusante, et c’est
vrai que dans l’exemple ça n’a pas l’air d’être le cas… Alors ? Cette
dénomination fait plutôt référence aux joueurs en Bourse, ou de poker. Pensez à
ces joueurs qui maîtrisent parfaitement les règles, ce stress plus ou moins
conscient, ce sentiment qu’au-delà de la mise il y a parfois un enjeu beaucoup
plus important, voire existentiel, ces émotions fortes dues au gain ou à la
perte… Pour Eric Berne certains de nos échanges répondent à ces critères.
Eric Berne a aussi donné un nom au jeu les plus
courants ; le plus célèbre est le jeu du “Oui, mais…” (dont Yves Lavandier a réalisé un film éponyme).
Comment joue-t-on ?
Il existe différentes façons de représenter le
déroulement d’un jeu. Pour ma part, j’aime beaucoup le Triangle dramatique de
Karpman (dramatique fait ici référence au drame théâtral, Stephen Karpman ayant
créé ce concept à partir de l’observation des ressorts du drame au théâtre.
Vous vous souvenez de Shakespeare dans Comme il vous plaira ? “Le
monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les
acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles…” ). Il s’est
aperçu que systématiquement, pour qu’un “drame” se déroule, il
faut trois rôles : un Persécuteur, un Sauveteur et une Victime.
Deux personnes discutent. Pour commencer un jeu,
chacun des protagonistes prend inconsciemment l’un des trois rôles du Triangle
; en général celui qui a sa préférence. Elles poursuivent leur discussion,
l’une comme Persécuteur, l’autre comme Victime par exemple. A un moment donné
arrive… le coup de théâtre ! L’un des deux joueurs va “prendre ses bénéfices”
comme on dit dans le milieu boursier, il va changer de rôle et, par exemple,
s’il était Persécuteur, devenir une Victime. L’autre accuse le coup, et change
également de position (ce que font Stradlater quand il commence à hurler, puis
Holden quand il se vit “vachement glacé“).
Bien entendu, il ne s’agit pas d’être réellement
Persécuteur, Victime ou Sauveteur (ou seulement dans les jeux de niveaux 3 -
voir plus loin), ce sont des rôles psychologiques où chacun joue une partition
fine de ceux-ci.
Ainsi, à votre avis, quelles sont les positions de
départ de jeu de Stradlater et de Holden dans l’exemple ci-dessus ?2 Les positions d’arrivée ?3
Pourquoi joue-t-on ?
Pour avoir des bénéfices, même s’ils ne sont pas très
agréables. Les explications se situent dans la vision intrapsychique de la
personnalité que propose l’analyse transactionnelle (ce va-et-vient entre
intérieur et extérieur de la personne est caractéristique de l’analyse
transactionnelle). Ces bénéfices peuvent être nombreux : revivre un type de
relation expérimenté dans l’enfance, obtenir un type de signes de
reconnaissance que l’on aurait pas eu autrement, valider ses croyances sur soi
ou sur les autres… Dans notre extrait, Stradlater peut par exemple se dire
qu’il a raison de croire que les autres sont des incapables, qu’on ne peut
faire confiance à personne (c’est même pour arriver à cette conclusion qu’il
s’est adressé à Holden et sans lui donner d’indications claires), Holden qu’il est
un bon à rien ou que personne ne l’aime (la preuve).
À noter :
- Le jeu
est inconscient, nous ne nous en rendons pas compte. L’idée, pour une
meilleure connaissance de soi, n’est pas tant de ne plus jouer, que de
nous rendre petit à petit conscient des jeux que nous jouons.
- Il
existe trois niveaux de jeu : Niveau 1, c’est celui qui est acceptable
socialement (un couple d’amis se dispute devant vous) : le lien n’est pas
rompu mais ”touché” (une tension relationnelle dans le couple par
exemple). Niveau 2, les protagonistes jouent “à domicile” (il n’y
pas de témoins ou uniquement - ce qui est encore “plus joueur” -
quelques confidents) : le lien est rompu (une porte qui claque). Niveau 3,
les prises de bénéfices font la Une des journaux (meurtres, démence, suicides…)
: le lien est clairement, voire définitivement, rompu.
- Ne
dîtes pas : “Il joue des jeux avec moi, je n’aime pas ça“… On joue
toujours à deux, vous jouez autant avec lui !
- Pas de
répétition, pas de jeu : une scène ne suffit pas pour dire qu’il y a un
jeu entre deux personnes. L’une des caractéristiques du jeu est la
répétition des mêmes échanges, des mêmes changements de rôles. On peut
jouer dix minutes comme toute une vie (songez aux “scènes” de
ménage…).
Pour aller plus loin :
- Qu’aurait
pu faire/dire Holden face à la demande de Stradlater pour que cet échange
finisse d’une manière positive pour lui ? Qu’aurait pu faire/dire
Stradlater quand il découvre que la dissertation faite ne lui convient pas
?
1. Des jeux et des
Hommes, Stock, p.50 [↩]
2. Stradlater prend le
rôle de Victime, Holden de Sauveteur [↩]
3. Stradlater devient
Persécuteur, Holden Victime [↩]
5.7 Les positions de vie
Les positions de vie sont, à mon sens, l’un des
concepts les plus abordables de l’analyse transactionnelle. Cette accessibilité
est à double tranchant : il y a un risque de réduire les positions de vie à
cette simplicité. Or, c’est un concept qui, au fur et à mesure que l’on avance,
se révèle très puissant : gardons en mémoire ces deux aspects.
Le génial - et regretté - Tristan Egolf1
fait passer en quelques pages les éboueurs de la ville de Baker par trois
positions de vie différentes :
1. Si nous décidions arbitrairement de
quitter le travail (…) une ville comme Baker serait plus qu’à moitié enfouie
sous les ordures (…). Il apparaissait clairement que, du moins dans le comté de
Greene, le boueux était plus indispensable que le banquier, le boucher et le juge
de grande instance réunis, et beaucoup plus dur à trouver. Il était l’unique
frontière qui séparait l’ensemble de la communauté de la débâcle.
2. Notre objectif dans l’immédiat
serait d’affirmer notre position en termes simples et précis : 1) nous fournissions
un service indispensable à la communauté; 2) nous demandions le simple respect
accordé à tout serviteur du bien public; et 3) si nos demandes n’étaient pas
satisfaites - si nos services n’étaient pas appréciés -, la communauté était
libre de rechercher une autre solution.
3. [Tom Dippold, shérif] avait
accédé à ce poste en raison de ce qu’on tenait généralement pour ses trois
principales qualités : sa compréhension intuitive des comportements locaux, sa
politique inflexible de non-intervention dans les querelles domestiques, et son
indulgence à l’égard de ce qui en d’autres lieux passait pour des infractions à
la loi répréhensibles (…). Dans l’hypothèse où ils seraient arrêtés à la suite
d’un éclat public, la plupart des gens du cru n’avaient pas grand-chose à
craindre de Tom Dippold.
C’est quoi une position de vie ?
Eric Berne a émis l’hypothèse que le jeune enfant “possède
déjà certaines certitudes sur lui-même et le monde qui l’entoure (…),
certitudes qu’il va sans doute conserver tout au long de sa vie et que l’on
peut résumer comme suit : je suis ok ou je ne suis pas ok, vous êtes ok ou vous
n’êtes pas ok”2.
La position de vie est la valeur que je me donne à
moi-même et aux autres, l’idée positive (que l’on nomme ici ok et que
l’on symbolise par un +) ou négative (que l’on nomme non ok et que l’on
symbolise par un -) que j’ai de moi, des autres et du monde.
Il y a donc quatre positions de vie :
- Je suis
ok / vous êtes ok (+/+),
- Je ne
suis pas ok / vous êtes ok (-/+)
- Je suis
ok / vous n’êtes pas ok (+/-)
- Je ne
suis pas ok / vous n’êtes pas ok (-/-)
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
La position +/+ : je me respecte et je vous respecte, je vous accepte
tel que vous êtes, j’ai conscience de ma valeur et de la vôtre : nous sommes
égaux. Cela implique que je considère ce que vous me dites, que je vous parle
d’une manière adulte, que j’envisage notre rapport sous l’angle de la
coopération et du partage.
La position -/+ : c’est une position qui se traduit par une
dévalorisation de soi, l’autre ou les autres sont beaucoup mieux que moi, ils y
arrivent mieux, ils sont heureux, et je ne le serai jamais… : c’est une
position dépressive que Gysa Jaoui3 résume ainsi : “Je ne
vaux pas grand-chose, n’importe qui vaut plus que moi“.
La position +/- : ici je pense que je vaux mieux que toi/les autres,
cela se manifeste de deux façons différentes : soit j’envisage l’autre de
manière condescendante “Mon pauvre, tu n’es pas capable d’y arriver, laisse
je vais le faire“, soit je l’envisage d’une manière hautaine voire
agressive “T’es trop nul, t’es un incapable, pousse-toi de là que je le
fasse” ou “T’es trop nul, fais comme je te dis et pas autrement“.
C’est une position de dévalorisation ou de domination, d’arrogance vis-à-vis de
l’autre.
La position -/- : ou selon Gysa Jaoui, “Je ne vaux rien et vous
non plus“, peut être la position adoptée par un enfant dont les parents lui
ont fait comprendre qu’il n’était pas le bienvenu, qui a grandi dans un milieu
difficile et qui n’attend rien de personne. Il a une image de lui-même et du
monde négative. À l’extrême, ce type de position peut amener vers le suicide ou
l’asile.
Alors, d’après vous, quelles sont les positions de vie
que l’on peut visualiser dans chacun des trois paragraphes de l’extrait que je
vous ai proposé ?4
À noter :
- Il
arrive que ce que je montre à l’autre ne soit pas exactement le reflet de
ce que je pense de lui : mon patron, pour favoriser “l’émulation“,
me fait travailler avec un collègue que je considère en dessous de tout,
je lui dis néanmoins : “Bonjour, je suis ravi de travailler avec toi
sur ce projet“… C’est ce que l’on nomme la position de vie “sociale”
(celle que l’on va montrer, ici +/+).
- Nous
avons ainsi une position de vie existentielle favorite (nos croyances
profondes), mais nous pouvons tout à fait adopter en fonction des
situations l’ensemble des quatre positions de vie sociale - qui peuvent
donc coïncider ou non avec la position de vie existentielle.
Pour aller plus loin :
Un petit test sur votre position de vie ? Cliquez ici (rubrique psychotest).
1. Le seigneur des
porcheries. Le temps venu de tuer le veau gras et d’armer les justes, Folio, p.
375 et suiv . [↩]
5.8 Les méconnaissances
Le concept a été créé par Aaron et Jacqui Schiff1 au
début des années 1970 et approfondi par Ken Mellor et Eric Schiff2. C’est un concept qui, une
fois encore, est en lien avec l’intrapsychique et le comportemental. Il s’avère
très efficace dans un certain nombre d’applications, notamment pour la
résolution de problèmes.
- Commencez par ce savoureux
extrait, il ne doit pas vous être inconnu :
Là-dessus ils découvrirent trente ou quarante moulins
à vent qu’il y a en cette plaine, et, dès que Don Quichotte les vit, il dit à
son écuyer : “La fortune conduit nos affaires mieux que nous n’eussions su
désirer, car voilà, ami Sancho Pança, où se découvrent trente ou quelques peu
plus démesurés géants, avec lesquels je pense avoir combat et leur ôter la vie
à tous, et de leurs dépouilles nous commencerons à nous enrichir : car c’est
ici une bonne guerre, et c’est faire grand service à Dieu d’ôter une si
mauvaise semence de dessus la face de la terre.
- Quels géants ? dit Sancho.
- Ceux que tu vois là, répondit son maître, aux longs
bras, et d’aucuns les ont quelquefois de deux lieues.
- Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui
paraissent là ne sont pas des géants, mais des moulins à vent et ce qui semble
des bras sont les ailes, lesquelles, tournées par le vent, font mouvoir la
pierre du moulin.
- Il paraît bien, répondit Don Quichotte, que tu n’es
pas fort versé en ce qui est des aventures : ce sont des géants, et, si tu as
peur, ôte-toi de là et te mets en oraison, tandis que je vais entrer avec eux
en une furieuse et inégale bataille .3
Vous me direz peut-être que Don Quichotte était un peu
fou et que dans ce cas rien d’étonnant à ce qu’il voit des moulins ? À quoi je
vous répondrais que Don Quichotte est loin d’être le seul à se battre contre
des moulins… Et que c’est ça une méconnaissance : prendre des moulins pour des
géants. Ou des géants pour des moulins.
Qu’est-ce qu’une méconnaissance ?
C’est un mécanisme inconscient qui nous conduit
à ne pas voir la réalité telle qu’elle est. Elle se manifeste par des phrases
qui sont des généralisations - ou des minimisations - ou encore de la
grandiloquence et de l’emphase.
Exemples :
- “Ça
m’étonne pas, tous les garagistes sont des voleurs ” : si pour
certains cette phrase a le goût et l’odeur de la vérité, ce n’en est bien
entendu pas une.
- “10
pages à taper ! Mais j’y arriverai jamais ! ” : ce qui est à nouveau
faux, ce n’est sans doute qu’une question de temps. Ce qui pourrait être
juste serait par exemple : “Mais je n’y arriverai jamais en cinq
minutes “.
- “Ouh
làlà, ben vé, c’est que c’est pas la porte à côté Aubagne ” :
évidemment à pied depuis le Vieux Port ça se discute…
Les clichés sont ainsi par définition des
méconnaissances de la réalité, puisqu’il s’agit de généraliser le particulier.
Les méconnaissances sont argumentées. C’est la
différence avec une simple ignorance de la réalité. Dans ce dernier cas, vous
ne savez pas, je vous donne l’information, vous la prenez (ou pas). Si c’est
une méconnaissance la perception tronquée de la réalité n’est pas une simple
erreur mais une construction de la réalité personnelle à laquelle la
personne tient et qu’elle est prête à justifier. De fait, ses arguments
sont inexacts mais suffisent à valider, à ces yeux, sa croyance. C’est pourquoi
il peut être difficile de faire prendre conscience à quelqu’un qu’il est en
pleine méconnaissance.
Exemples :
- “L’amour
c’est uniquement une question de phéromones “, “Je ne pense pas que
ce soit uniquement cela “, “Si, c’est mon père qui me l’a dit et il
est médecin “.
- “Les
dix personnes qui sont venues sont toutes des spécialistes de la question,
je n’ai aucune chance de me faire entendre “, “Non, je vous l’ai
dis seules deux personnes le sont “,”Oui, enfin c’est pareil “.
Pourquoi fait-on des méconnaissances ?
Pour de bonnes raisons ! Sinon on ne les ferait pas.
Construire notre propre réalité, voir les choses comme ça nous arrange nous
permet de ne pas remettre en cause notre vision du monde ou des autres, de ne
pas toucher à nos croyances, à notre cadre de référence. C’est aussi un
excellent moyen pour ne pas voir ou ne pas résoudre un problème (voir passivité ).
Comment ce concept peut-il aider à la résolution d’un
problème ?
Évidemment ne pas appréhender la réalité telle qu’elle
est peut être protecteur mais peut aussi engendrer certains problèmes. On peut
imaginer qu’à l’inverse si vous êtes face à un problème c’est que vous êtes
confrontés à une méconnaissance dont vous n’avez pas conscience et dont la
levée serait par voie de conséquence un premier pas vers la résolution du
problème.
Voici une méthodologie qui peut aider à lever une
méconnaissance. Seul c’est difficile, il est nécessaire d’avoir un regard
extérieur pour voir sur quoi porte la méconnaissance :
- sur
l’existence du problème, sa signification, sur les possibilités de
changement, ou sa capacité personnelle de changement.
Exemple :
- Existence
du problème : “Tu
sais quoi, je me marie le mois prochain “, “Ah bon, mais tu en es à
ton 6e divorce “, “Et alors ? ” (méconnaissance sur: Où est le
problème ? C’est enfin la bonne !)
- Signification
du problème : “Oui,
je me marie pour la 7e fois, je me rends bien compte qu’il y a un
problème, mais bon tant pis, c’est comme ça ” (conscience du problème,
méconnaissance sur les conséquences)
- Possibilités
de changement : “Oui,
j’en suis à mon 7e mariage, je me rends compte que je peux pas continuer
comme ça. Je suis malheureux, mes enfants aussi, la situation est
ingérable, je n’ai plus d’argent avec toutes les pensions… Mais qu’est-ce
que je peux faire d’autre ? ” (conscience du problème et de sa portée,
méconnaissance sur d’autres façons de faire)
- Capacité
personnelle à amener le changement : “Oui, ce problème a beaucoup d’impacts sur
ma vie. Tout le monde est malheureux. Je pourrais commencer par vivre avec
quelqu’un sans me marier. Ou vivre un peu seul. Ou commencer une thérapie.
Mais je n’ai ni le temps, ni l’argent et puis je n’ai jamais vécu
autrement !” (conscience du problème, de sa portée et que d’autres
façons de faire son possible, méconnaissance sur ma capacité à agir
autrement)
Il est essentiel de bien cibler le niveau de
méconnaissance : il est impossible de prendre conscience d’un niveau 4 ou 3 si
la méconnaissance porte sur le niveau 1 ou 2.
À noter :
- Une
méconnaissance peut porter sur soi-même (ignorance de ses propres limites
par exemple), sur les autres ou sur le monde.
5.9 La passivité
La passivité, telle qu’elle vous est présentée ici,
fait partie du triptyque passivité, méconnaissance et symbiose conçu par Aaron
et Jacqui Schiff dans le courant des années 1970.
Voici une illustration de l’une des formes de
passivité :
[Linda s'apprête à quitter son mari et l'interpelle :]
Harry, est-ce que cela te laisse indifférent ? - Il aurait tant voulu lui
tendre la main, lui demander - la supplier - de ne pas partir, mais il se sentait
sans force, accablé de douleur et de désespoir, en proie à un découragement
incompréhensible et pitoyable qui s’était abattu sur ses épaules et l’étouffait
peu à peu, tel un serpent. Il sentait son regard posé sur lui, et, plus il
fixait le sol, plus il se sentait incapable de lever la tête vers elle et de la
regarder en face. Linda attendit ses protestations d’innocence pendant une
éternité, mais, devant son mutisme, elle se décida finalement à agir. Elle alla
dans la chambre, mit rapidement quelques affaires dans une valise (…). Pendant
qu’elle faisait sa valise, Harry l’entendit respirer, soupirer, aller et venir,
puis il sentit sa présence à ses côtés et son regard posé sur lui, sentit
qu’elle s’éloignait, entendit la porte se refermer et la voiture s’éloigner… Il
n’y eut rien pour l’empêcher de partir. Et il n’y eut rien pour l’empêcher,
lui, de rester assis. De fixer le sol.1
Qu’est-ce que la passivité ?
La passivité est un ensemble de comportements dont la
raison d’être pourrait se résumer ainsi : “Comment puis-je m’y prendre pour
ne pas résoudre ce problème ? ”. Bien entendu, ce n’est pas une question
consciente : seul un observateur extérieur peut se rendre compte que, quoi
que fasse la personne, le problème demeure alors qu’une solution est possible.
On distingue quatre comportements passifs.
- L’abstention : la personne est passive au
sens premier. Elle ne fait rien.
- La
suradaptation : la
personne fait quelque chose, mais l’action ici n’a pas pour objectif de
résoudre le problème mais de faire ce qu’elle imagine que l’autre attend
d’elle.
- L’agitation : la personne « s’agite
», elle est nerveuse, ne tient pas en place : elle manifeste souvent sa
présence par des bruits parasites.
- La
violence ou “l’incapacitation“ : la personne devient violente et blesse l’autre
ou soi-même (incapacitation : anglicisme qui a pour ambition de
faire passer l’idée d’incapacité).
Exemple : Un employé doit rendre une note sur un
rapport pour le lendemain, date limite, et à ce jour rien n’est fait.
- Abstention
: il regarde par la fenêtre, fais des petits dessins sur une feuille…
- Suradaptation
: il compile les rapports des cinq dernières années sur ce thème parce
qu’il imagine que son patron apprécierait un petit préambule contextuel,
ou il retape le rapport en supprimant les fautes d’orthographe en se
disant que ce sera toujours utile…
- Agitation
: il regarde ses mails pour la 15e fois en cinq minutes,
téléphone à Pierre, à Paul, relis pour la 10e fois la première
page du rapport en tapotant son bureau avec son stylo ou avec son pied, va
chercher un café, revient…
- Violence
et “incapacitation” : tout d’un coup il se lève, se rend chez son
patron et lui envoie le rapport à la figure et criant “J’en ai marre de
ces rapports de …” ou alors il tombe malencontreusement dans
l’escalier et se brise les deux poignets.
Dans ces quatre cas, non seulement la personne n’a pas
fait le travail attendu, mais elle ne s’est même pas mise en mesure de le faire
d’une manière ou d’une autre (anticiper, demander conseil, etc.) : nous
retrouvons ici une méconnaissance sur l’existence
du problème.
À noter :
- La
passivité est une sorte de blocage où l’énergie n’est pas orientée vers la
réalisation souhaitée. Ce “détournement d’énergie” suit ainsi
souvent l’ordre indiqué (1→4) : au début la personne méconnaît purement et
simplement son énergie, ensuite elle la met à la disposition de son “imagination”,
puis, l’énergie s’accumulant sans être utilisée, elle ne peut plus ne pas
en prendre conscience mais ne sait toujours pas qu’en faire, enfin
l’énergie se “décharge” contre soi ou les autres.
- Il est
possible d’être passif face à une situation problématique ponctuelle, mais
il est aussi possible que pour certaines personnes la passivité soit un
mode de fonctionnement relativement permanent.
Pour aller plus loin :
- Quel(s)
lien(s) faites-vous entre comportements passifs et symbiose ?2
2. Un comportement passif
peut être une invitation symbiotique : je n’agis pas, agissez à ma place. [↩]
5.10 La symbiose
La symbiose est un concept passionnant, vous pourrez
utilement compléter cette lecture avec celle des articles sur la passivité et les méconnaissances.
Jeanne, héroïne de Une Vie1, reçoit
régulièrement de son fils ce type de lettre :
Ma pauvre maman, je n’ai plus qu’à me brûler la
cervelle si tu ne viens pas à mon secours (…) je dois 85 000 francs. C’est le
déshonneur si je ne paye pas, la ruine, l’impossibilité de rien faire
désormais. Je suis perdu. Je te le répète, je me brûlerai la cervelle plutôt
que de survivre à cette honte. (…) Je t’embrasse du fond du cœur, c’est
peut-être pour toujours. Adieu. Paul”. Le Baron hypothéqua des terres pour se
procurer l’argent qui fut envoyé à Paul. Le jeune homme répondit trois lettres
de remerciements enthousiastes.
Vous aurez peut-être remarqué que dans cette lettre le
fils ne fait aucune demande claire et directe ? Mais sa mère et son grand-père
ont néanmoins très bien compris de quel secours il s’agissait. Dans ces
conditions, il y a fort à parier que ce ne soit qu’une question de temps avant
la prochaine lettre du même acabit… Voyons pourquoi.
Qu’est-ce que la symbiose ?
Ce concept a été élaboré dans le courant des années
1970 par Aaron et Jacqui Schiff. Je reprends ici leur définition que je trouve
particulièrement explicite : il y a symbiose “lorsque deux personnes se
comportent comme si ensemble elles ne formaient qu’une personne complète”2.
C’est ce que l’on appelle parfois dans un autre cadre de référence la relation
fusionnelle. Par “comme si ensemble elles ne formaient qu’une personne
complète“, il faut entendre que l’un prend en charge les besoins de
l’autre, de telle sorte que, face à une situation, il y aura deux “intervenants”
au lieu d’un.
Précisons tout de suite que la symbiose n’est pas
synonyme de pathologie ! Et heureusement : que l’on songe par exemple à un moment
intense d’une relation amoureuse, voilà ce qui peut être une relation
symbiotique nageant dans le bonheur…
Cependant, dans la mesure où j’ai besoin de l’autre
pour “former une personne complète“, il peut être utile de savoir où je
me situe dans la relation à l’autre (conjoint, enfants, collègues…).
Exemples :
- “Je
ne m’occupe jamais des comptes, c’est mon mari qui s’en charge” : sur
cet aspect cette femme s’appuie sur son mari pour une tâche qu’elle
pourrait sans doute faire elle-même, elle est ici dépendante, prise en
charge. Il est fort probable que si son mari ne le fait pas personne ne le
fera. Cette situation est très fréquente (et pratique) mais peut aussi
être le support de jeux de pouvoir ou poser problème en cas de séparation.
- Entre
collègues : “Le patron m’a encore donné un dossier ingérable“, “Laisse,
je vais le faire“. Ici, sans le demander directement, le premier a
besoin du second pour faire son travail. Au bout d’un certain nombre de
fois, le premier peut utilement se demander ce qu’il fait à son poste par
exemple, et le second s’interroger sur l’utilité qu’il se donne en faisant
le travail de son collègue.
Dans ces deux exemples, il y a bien deux “intervenants”
au lieu d’un. On aperçoit bien le besoin pris en charge au bénéfice de la
personne en dépendance et l’avantage qu’elle en tire. Cependant, la relation
est à double sens : alors en quoi la personne qui prend en charge a-t-elle
besoin de l’autre pour être une “personne complète” puisqu’elle a l’air,
elle, d’être indépendante ?
Pour de nombreuses raisons : dans le premier exemple
le mari, en s’occupant des comptes, peut avoir troqué cette tâche contre celle
du ménage que sa femme assume seule (permet un donnant-donnant). Ou alors, il
peut penser qu’en se rendant utile, voire indispensable, aux yeux de sa femme
en faisant les comptes mais aussi les courses, la vaisselle… elle ne le
quittera pas. Dans le second exemple, le collègue “aidant” peut tout
simplement avoir des journées creuses qu’il ne sait comment remplir par
lui-même. Ou alors, quand il sera de notoriété publique que c’est lui qui fait
tout, il pourra se faire valoir aux yeux de son patron au détriment de son
collègue. La personne qui prend en charge a tout autant besoin de l’autre.
Comment repérer une relation
symbiotique ?
Pas simple pour les parties prenantes. Un indice
comportemental peut nous y aider : lorsque l’un demande à l’autre de faire ce
qu’il pourrait faire lui-même - généralement d’une manière détournée - ou
lorsque l’un fait pour l’autre ce que celui-ci pourrait faire tout seul
(n’oubliez pas : la symbiose “marche” dans les deux sens).
Exemples :
- “Il faudra aller chercher la
petite après son sport“, dit une mère à son mari. Vous apercevez à
présent que si la phrase est au sens strict la transmission d’une
information, en réalité c’est une demande indirecte de madame à monsieur
d’aller chercher leur fille (on retrouve la différence entre le niveau
social et le niveau psychologique - voir les transactions cachées).
- Une mère, rangeant la chambre
de son fils, lui dit, alors qu’il joue aux jeux vidéos : “Tu
pourrais ranger ta chambre quand même”,
La symbiose a une logique interactionnelle
simple que l’exemple de Jeanne met clairement en évidence. Le fils attend de sa
mère de l’argent : sa mère lui donne. Et sans doute lui donnera-t elle à chaque
fois qu’il se positionnera ainsi. Dans ces conditions, pourquoi le fils
arrêterait-il de solliciter sa mère ? Mais s’il compte sur sa mère, comment
peut-il réfléchir à une autre solution puisqu’il n’en a pas la nécessité ? De
son côté, si sa mère ne lui dit pas qu’elle court à la ruine, le fils n’a, une
nouvelle fois, aucune raison d’arrêter. C’est un cercle qui s’auto-alimente.
À noter :
- On
appelle les demandes faites d’une manière indirecte, les “invitations
symbiotiques“, elles invitent à la symbiose : l’autre peut l’accepter
et prendre en charge, l’ignorer ou la reformuler pour faire en sorte que
la demande soit dite expressement (mettre à jour le niveau caché de la
demande).
5.11 Le scénario
In Manu Larcenet, On fera avec, les Rêveurs,
Coll. “On verra bien”.
Textes des bulles :
- Je n’ai
pas très bien vécu mon enfance.
- Je
n’attendais qu’une chose : devenir adulte. Pour moi, ça signifiait “être
bien”.
- En
effet, les adultes me paraissaient tous étrangers à l’angoisse, à la peur,
à tous les monstres qui me peuplaient.
- Alors,
dès que j’ai senti que j’étais prêt…
- … Je
suis devenu un adulte.
À mon avis, le scénario est le concept AT le plus complexe.
Il est dense, avec de multiples ramifications et de nombreux auteurs ont
complété les éléments mis à jour par Eric Berne. Ce que je me propose ici c’est
de vous donner simplement l’économie globale de ce concept : je vous préviens
donc que probablement vous qui venez sur cette page avec une seule
interrogation (”Mais c’est quoi le scénario ??“) vous en repartirez avec
beaucoup plus ! Si votre envie de savoir est insoutenable, n’hésitez pas à me contacter ou à vous plonger dans un manuel !
La philosophie du scénario en AT
Pour Eric Berne et d’autres analystes transactionnels,
nous naissons « Prince » ou « Princesse », c’est-à-dire dans une position
fondamentale +/+. Le petit enfant fait ensuite l’apprentissage de la vie et du
monde par le biais, majoritairement au départ, de sa famille. Au fur et à
mesure que l’enfant grandit, il apprend ce qu’il est
conseillé/obligatoire/possible/pas recommandé/impossible de faire/dire/sentir
selon notre environnement. Il observe, découvre, teste, enregistre : comment il
est accueilli, si ses besoins sont satisfaits ou non ou sous quelles
conditions, etc. ses parents lui transmettent des croyances, des désirs, des
frustrations inconsciemment et parfois consciemment.
Pour les analystes transactionnels aussi, beaucoup de
« choses » se passent avant 6 ans (mais pas tout !). De ses premières
expériences de vie, de ses différentes expérimentations et de ce qu’il a perçu
de la réaction de ses parents, de leur manière d’être au monde, l’enfant se
forge ainsi un certain nombre de croyances (qui pour lui sont certitudes) sur
lui-même, les autres et le monde : et tout naturellement, il tire de ses
croyances, des conclusions puis des décisions sur ce qu’il fera dans sa
vie et comment il le fera. Il est entendu que tout ce processus est inconscient.
Ce « plan de vie » comme le nomme Eric Berne1
comporte à la fois des éléments négatifs (avec un impact difficile pour lui ou
son entourage) ou positifs. Dans la mesure, où le scénario est enfermant,
c’est-à-dire que c’est une réduction et une répétition des possibles, il
est en effet souvent perçu comme un carcan. Il est utile de souligner que, pour
les analystes transactionnels, le scénario que l’enfant a mis en place est pour
lui et à ce moment là, la meilleure option possible. Ce qui n’est plus
le cas une fois adulte.
En effet, l’enfant grandit sur la base de ses
croyances et en fonction de ses décisions prises… mais l’environnement change,
il n’y a plus seulement sa famille ou l’école, mais la possibilité de se créer
un réseau relationnel, affectif, professionnel, de loisirs… Avec autant de
comportements, d’échanges, de façons d’être, de réalisations possibles… sauf à
faire le tri et à conserver ce que nous connaissons (même à regrets) et à
rejeter les autres possibilités qui ne cadrent pas avec notre vision de
nous-mêmes ou du monde. L’idée est alors de revisiter ses croyances scénariques
qui, aujourd’hui, ne sont peut-être plus adaptées, de se réapproprier ses
modèles introjectés, de s’assurer du plus grand contact possible avec la
réalité telle qu’elle est, en un mot : de conscientiser.
Le matériel de scénario
On appelle ainsi les éléments constitutifs du
scénario, en voici cinq essentiels :
- les injonctions et les permissions : imaginez
un continuum avec à une extrémité les injonctions, à l’autre les permissions.
Lorsque le curseur penche du côté injonctions, les parents délivrent à leur
enfant des messages d’interdits, négatifs : on parle aussi de messages
inhibiteurs (de l’Enfant libre au sens États du moi). À l’inverse, du côté des
permissions, ce sont des messages positifs, d’autorisation. En tous les cas, il
s’agit de messages inconscients verbaux ou non verbaux (niveau
psychologique). Les injonctions sont multiples, on les regroupe souvent en 12
grandes catégories : par exemple une injonction de type « N’existe pas » peut
conduire le destinataire à des comportements suicidaires, « Ne grandis pas »
inhibe la personne dans tout ou partie de sa vie (incapacité à se prendre en
charge…).
- le programme : c’est le « mode d’emploi »
comportemental fournit par les parents à l’enfant pour lui montrer comment
concrètement mettre en œuvre les injonctions et les permissions. (Exemple :
quelqu’un qui aurait une injonction « ne sois pas proche » et une
contre-injonction du type « Il faut être marié et avoir trois enfants »,
pourra combiner le tout en étant marié et en étant systématiquement en voyage
d’affaires, ou infirmière de nuit - ce qui, je le précise, n’est pas le cas de tous
les voyageurs d’affaires ou de toutes les infirmières de nuit…).
- les contre-injonctions : également appelées «
messages contraignants », ce sont des messages verbaux destinés à enseigner à
l’enfant un comportement en société. Ils sont bien sûr essentiels à un savoir
vivre en commun. À l’inverse, s’ils sont trop prégnants, on pourra retrouver
chez la personne l’emprunte forte d’un « masque social » (« Les gens bien
sous tous rapports »).
- la décision scénarique : en fonction des
divers messages et signes de reconnaissance
que l’enfant reçoit, de ses expériences, il « décide », inconsciemment, de ce
qu’il va en faire et de ce qu’il va mettre en œuvre dans sa vie : « Puisque
c’est comme ça je vais… je serai… ». À la décision cognitive s’ajoute
également un vécu émotionnel, corporel et affectif.
Il est possible de représenter la construction du
scénario par un schéma comme suit que l’on appelle « matrice de scénario ».
Voici une matrice de scénario telle que Claude Steiner2 la
propose. Vous découvrez ainsi une première mise en pratique des États du moi.
À noter :
- Il
existe différents niveaux de gravité de l’aspect négatif du scénario : du
niveau vital - la tragédie pure et dure de l’adolescent ou de l’adulte qui
s’autodétruit par l’un des nombreux moyens à sa disposition, ou la femme
battue par exemple - au niveau difficile à vivre mais où la vie n’est pas
en jeu a priori : « l’incompétence affective » chronique, etc. Il y a
également des scénarios très positifs : je rêve d’être un grand marin, je
le deviens et j’en suis très heureux, j’ai vraiment le sentiment d’être et
de faire ce pour quoi je suis là.
- Le
scénario ne se construit pas seulement sur la base d’éléments reçus des
parents, mais sur l’interprétation que l’enfant en a fait.
- On
retrouve dans la notion de répétition scénarique le parallèle avec celle
de “compulsion de répétition” du cadre de référence psychanalytique.
- Si le
scénario c’est « ma vie telle que je la prévois », il est clair
cependant que beaucoup d’événements indépendants de ma volonté vont
arriver. Il n’empêche pas que la manière dont je vais vivre cet événement
va être marquée du sceau du scénario : l’Etat préempte mon terrain pour
construire une autoroute ? “C’est scandaleux” ou “Ça n’arrive qu’à moi, et
puis on aurait jamais du venir s’installer ici”, etc. ou “C’est l’occasion
que je cherchais pour vendre sans aucune démarche”, “Je vais en avoir un
bon prix”…
- À la
lumière de ce concept, aller vers l’autonomie au sens AT c’est se libérer
des aspects négatifs de son scénario ; retrouver une pleine marge
d’action, de penser, de sentir, être au monde en toute conscience.
5.12 L’autonomie
L’autonomie, selon Eric Berne, c’est un chemin.
Devenir autonome, en Analyse transactionnelle, c’est développer la faculté à
parcourir la vie en faisant des choix clairs et en les assumant, à avoir
conscience de ses propres besoins et à savoir les satisfaire.
Si je fais référence au concept de scénario, être autonome consiste à ne plus être soumis
aux aspects négatifs de son scénario (des schémas de répétition notamment).
Quels sont les critères de l’autonomie ?
Devenir autonome, pour Eric Berne, cela signifie
élargir et amplifier nos compétences à :
- avoir une conscience claire :
je suis en contact avec la réalité, avec l’ici et maintenant - et non avec
l’ailleurs à un autre moment, passé ou futur. Cela signifie que j’accepte
la réalité telle qu’elle est, que je ne la filtre pas ou que je ne la
déforme pas et que j’ai conscience des conséquences de mes choix. J’ai
ainsi conscience par exemple que le temps qui passe ne reviendra plus, je
ne confonds pas mon conjoint et l’un de mes parents, etc.
- être
spontané :
j’utilise mes trois Etats du moi avec fluidité, librement et en
conscience. Je ne suis pas bloqué dans l’un d’eux : j’ai à ma disposition
un large panel de réactions à l’environnement et je m’en sers avec
justesse et cohérence (voir les États du moi - l’illustration du paragraphe “Quels
sont les liens entre États du moi structurels et fonctionnels ?“)
- être
capable d’intimité : je suis capable d’être dans une relation
authentique avec l’autre, je peux partager des moments d’émotions vraies -
et non jouées - sans jugements
ou inhibitions : la joie sûrement, mais je peux aussi exprimer, montrer ma
colère ou ma peur et demander à être rassuré.
À noter :
- L’intimité
correspond à la même notion que celle que vous pouvez trouver dans la structuration du temps.
- Dans le
champ organisation le concept d’autonomie trouve aussi toute sa place ; il
est possible d’aider une entreprise à avoir une plus grande autonomie
(sortir des processus négatifs - conflits, passivité… - et retrouver le
chemin de la pleine activité).
Documentation rassemblée,
reconstituée et mise en fichier Word
Par Boubacar BA,
Ingénieur des travaux des Eaux et Forêts
Titulaire du Diplôme National de Master Acteurs du développement rural de Sup
Agro Montpellier
Chef de service technique
Direction de la Zone Sylvopastorale
de l’Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR),
Mon credo « Savoir plus pour mieux servir »
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